Lors des 52es journées de la Société française de médecine périnatale (SFMP) à Lyon, du 18 au 20 octobre, les professionnels de la périnatalité ont alerté sur la situation de plus en plus critique dans les maternités françaises et appelé le gouvernement à restructurer l’offre de soins.
Depuis 2012, la France est devenue une lanterne rouge parmi les pays européens en matière de mortalité infantile, de mortinatalité (morts fœtales après six mois de grossesse) et de mortalité maternelle. Elle se place désormais au 25e rang européen pour la mortalité infantile - très loin de sa 3e position il y a vingt ans - et au 20e rang pour le taux de mortinatalité. Environ 1 200 morts d’enfants pourraient être évitées chaque année, d’après la Société française de néonatologie (SFN). La Haute Autorité de santé estime, dans l'une de ses analyses, que plus de 50 % des événements indésirables graves dont sont victimes les mères et les enfants en salle d’accouchement sont évitables.
Pour le Pr Michel Dreyfus, président de la SFMP, « il y a d'énormes problèmes de fonctionnement dans les maternités pour des raisons de ressources humaines. Aucun personnel soignant des jeunes générations ne souhaite exercer dans des maternités de petite taille, car ces jeunes ont des critères de qualité d’exercice auxquelles ils ne veulent pas déroger ».
Limiter la faute
« Les jeunes praticiens ne veulent pas faire plus de quatre à cinq gardes par mois et au maximum deux week-ends, complète le Pr Jean-Christophe Rozé, président de la SFN. Ils souhaitent travailler en sécurité, dans des équipes suffisamment nombreuses, qui se connaissent et ont confiance les unes dans les autres. Nous devons limiter la faute et pour cela il est hors de question de travailler après 12 heures de garde de nuit. Notre cerveau ne peut pas être au top ! ». Il estime que « l’ancien modèle de la petite maternité avec deux ou trois notables de garde un jour sur deux ou trois s’épuise. Les médecins qui acceptent de faire la permanence des soins sont devenus une denrée rare ».
Un avis confirmé par la Dr Camille Le Ray, responsable scientifique de l'enquête nationale périnatale. « Dans notre étude, les gynécologues-obstétriciens déclarent qu’ils ne sont pas prêts à aller sur plus d’une dizaine d’années de permanence des soins dans les conditions actuelles », souligne-t-elle.
Pour le Pr Rozé, « si on met sept professionnels autour de 500 ou 1 000 bébés par an, ils n’ont pas suffisamment de travail pour rester au bon niveau. Ce n’est pas un problème de démographie. On forme plus de gynécologues-obstétriciens. Mais si on les oblige à aller travailler dans des conditions qu’ils ne veulent pas, ils ne feront plus d’obstétrique ».
Par conséquent, les maternités vont continuer à fermer, comme le constate Pascal Gaucherand, coordonnateur du réseau périnatal Aurore (Auvergne Rhône-Alpes). Cinq maternités ont déjà mis la clé sous la porte récemment et d’autres sont dans l’obligation de fermer des services. « Le CHU de Saint-Étienne a fermé son service de néonatologie à cause du manque de ressources humaines et le CH de Valence n’arrive pas à faire fonctionner sa pédiatrie néonatale. Selon l’Agence régionale de santé, il devrait être en perspective de monter en maternité de type 3 mais il est dans l’incapacité complète de le faire ! », s’alarme-t-il.
Manque de prise en compte de la situation par les politiques
« Ce qui est étonnant, c’est le manque de prise en compte de la situation par les politiques, reprend le Pr Rozé. Les deux tiers de la mortalité néonatale sont liés à des problèmes de maternités insécures. La population accepte un excès de risque pour garder une proximité des établissements. Le politique est paniqué à l’idée de faire accepter ce constat à la population ». Il estime qu’« il faut plutôt beaucoup moins de plateaux techniques, mais leur donner les moyens de fonctionner en sécurité ».
Malheureusement, les discussions avec les pouvoirs publics sont actuellement au point mort. « Notre dernière réunion avec le ministère de la Santé a eu lieu le 7 avril avec le Dr Braun, qui n’est plus aux manettes. Son successeur ne nous a pas encore proposé de rendez-vous et nous ne sommes pas conviés aux Assises de la pédiatrie. Il faut réorganiser de manière urgente les soins en périnatalité et aborder notamment la question des soins critiques », réclame-t-il.
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