LE QUOTIDIEN - Quel est le taux de prématurité en France et comment évolue-t-il ?
Pr YVES VILLE - Malheureusement, il est totalement stable et aucune amélioration ne s’est vue dans les derniers 50 ans. Si on la prend stricto sensu, la prématurité (accoucher avant 37 semaines) représente en moyenne entre 5 % à 10 % des grossesses. Celle qui est la plus grave médicalement se situe avant 32 semaines : c’est la grande prématurité. Sur les 5 à 10 % des enfants qui naissent prématurés, à peu près la moitié sont d’une prématurité grave.
Pourquoi n’arrive-t-on pas à diminuer ce taux ?
On a quand même vu diminuer la mortalité de ces enfants. Ce n’est pas tant l’évolution des tocolytiques (lesquels inhibent les contractions utérines) qui a fait une énorme différence que le développement de ce qu’on appelle la corticothérapie anténatale : les corticoïdes donnés à la mère et qui préparent les poumons du petit. Généralisée depuis une quinzaine d’années, la corticothérapie a complètement changé le pronostic. Malheureusement, en terme de situations dramatiques à gérer, la fréquence de la prématurité n’a pas changé parce qu’on est incapable de la traiter correctement. Dans quelques années, on verra peut-être une incidence des progrès réalisés dans la reconnaissance du risque de prématurité.
Car la prévention est bien la clé de la prise en charge ?
Ça devrait ! La mesure échographique du col de l’utérus est devenue un examen totalement incontournable quand une femme vient avec des contractions, car c’est le seul à pouvoir indiquer si c’est une vraie menace d’accouchement prématuré. Plus de la moitié des femmes qui arrivent avec des contractions douloureuses accoucheront à terme : on constate beaucoup de faux positifs. Et même si on déplore les conséquences de la prématurité, il faut être très prudent avec l’iatrogénie qu’on peut être amené à produire avec des faux diagnostics de gravité, parce que prendre des tocolytiques, ce n’est pas rien, rester allongée non plus. Et bien que cette notion soit extrêmement bien établie, l’échographie du col n’a pas encore fait son chemin dans toutes les pratiques : il y a encore beaucoup d’obstétriciens et de sages-femmes qui se fient plus à leur examen du col au doigt.
Il y a donc un problème d’information ?
Un problème d’information et de culture. L’échographie n’est pas entrée dans la pratique médicale obstétricale par la porte de la pathologie fonctionnelle mais par celles des malformations. Donc ceux qui font de l’obstétrique ne font pas forcément de l’échographie. Pourtant, cet outil fabuleux doit être apprivoisé. On a une corrélation statistique : plus le col de l’utérus est long, plus le terme à l’accouchement est tardif. En revanche, il y a des femmes qui, malgré un col court, ne vont pas faire un accouchement prématuré. Certains rejettent en bloc l’échographie dans le dépistage par crainte de faire des faux positifs : à mon avis c’est une erreur. Il faut prendre cet outil pour ce qu’il présente comme utilité déjà prouvée. Or, sa valeur prédictive négative est excellente : avec un col long, on a très, très peu de risque d’accoucher prématurément. Dans des populations à risque de prématurité, pouvoir dire aux femmes qu’elles n’ont pas à s’inquiéter est extrêmement important. On a également des réponses dans les cas où le col de l’utérus est court au début du deuxième trimestre. On sait maintenant, grâce à une étude hollandaise randomisée, que le cerclage est utile pour les femmes dont le col se raccourcit dès qu’elles ont eu une histoire catastrophique de prématurité et non pas trois, comme on le considérait auparavant. Que fait-on maintenant des femmes sans histoire et qui ont un col très court ? Pour elles, le cerclage représente plus d’inconvénients que d’avantages.
Il faut également remettre à la mode un vieux médicament qui a pêché par abus : la progestérone. Depuis deux ans, une étude sur plus de 30 000 femmes a montré que pour celles dont le col était le plus court, inférieur au 1,5e percentile, on diminuait la prématurité de 40 % en donnant de la progestérone (contre placebo). Si on veut montrer un effet de cette prévention primaire et secondaire, il va falloir diffuser ces méthodes. L’évaluation du risque et la prévention active ne remportent pas souvent un franc succès auprès des obstétriciens. Les mentalités doivent changer et les indications peuvent être beaucoup mieux sériées dans la prévention.
Quel lien faites-vous entre prématurité et procréation médicalement assistée ?
Il est réel à travers plusieurs voies, dont la principale est due aux grossesses multiples : la prématurité est presque constante dans ce type de grossesse. L’âge moyen d’accouchement des jumeaux correspond à 35 semaines, celui des triplés à 33, voire 32,5 semaines.
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