Alors que le recours aux inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) a largement cru ces dernières années en pédiatrie, l’analyse d’une vaste cohorte suédoise vient de mettre en évidence un surrisque d’asthme associé à leur utilisation (1). « Ce surrisque, globalement de 60 %, est retrouvé dans toutes les classes d’âge, du petit nourrisson à l’adolescent de 17 ans. En outre, il est particulièrement élevé chez les plus jeunes, puisque l’excès de risque est de l’ordre de 80 à 90 % chez les moins de 2 ans. Une observation qui plaide pour une plus grande prudence dans la prescription d’IPP aux enfants », résument les auteurs.
La dysbiose comme mécanisme physiopathologique
De plus en plus de données observationnelles, venus principalement d’études sur l’usage des IPP durant la grossesse, sont venues questionner le risque éventuel de développer un asthme après exposition aux IPP. Cela, alors que l’on sait que la dysbiose et la modification du microbiome intestinal peuvent favoriser l’asthme quand, d’un autre côté, les IPP, via l’inhibition de la sécrétion acide gastrique, sont connus pour altérer le microbiome.
Or, les enfants sont de plus en plus souvent exposés aux IPP. Et l’incidence de l’asthme est importante en pédiatrie. D’où la question : qu’en est-il de la sécurité des IPP en pédiatrie, et en particulier du risque éventuel associé d’asthme ? « Jusqu’à ce jour, une seule étude s’était intéressée à cette question. Centrée sur les moins de 6 mois, elle avait mis en évidence un surrisque significatif, de 40 %, associé à l’exposition de ces tout-petits aux IPP », rappellent les auteurs (2). Pour en savoir plus, ils se sont attachés à examiner la question sur une plus large population pédiatrique, allant des tout-petits aux adolescents.
Une cohorte nationale suédoise de près de 81 000 couples d’enfants appariés
L’analyse porte sur une cohorte pédiatrique nationale suédoise et les données recueillies entre 2007 et 2016. Soit plus de 3 millions d’enfants, parmi lesquels 81 000 avaient été mis sous IPP. Quasi tous les moins de 17 ans ayant été exposés à un traitement par IPP ont été appariés à un contrôle non exposé, l’appariement étant basé à la fois sur l’âge et un score de propensité. Résultat, le travail porte sur 80 870 paires d’enfants, de 13 ans d’âge moyen, dont 63 % de filles.
Le critère primaire est l’apparition d’asthme chez des enfants qui n’en souffraient pas. Il a été examiné sur un suivi médian de 3 [2,1-3] ans après exposition.
Globalement plus 60 % d’asthme, un surrisque retrouvé à tout âge, affectant plus les tout-petits
La comparaison des paires met en évidence un surrisque significatif de développer un asthme dans le groupe ayant reçu des IPP. Ce surrisque est retrouvé dans toutes les tranches d’âge, dans la petite enfance, l’enfance et l’adolescence.
Globalement, l’incidence de l’asthme est de 21,8 cas/1 000 personnes-années après recours aux IPP, contre 14 cas/1 000 personnes-années chez les sujets non exposés. (RR = 1,57 ; [1,5-1,6]). Si l’on fonde l’analyse sur le diagnostic d’asthme, le RR est de 1,53 [1,4-1,7], et sur la prescription de médicaments anti-asthmatiques : RR = 1,57 [1,5-1,7].
L’analyse des divers IPP met en évidence un surrisque global varié, allant de 43 % pour l’oméprazole, 49 % pour le lansoprazole, 64 % pour l’ésoméprazole et culminant à 233 % (RR = 2,33 ; [1,3-4,2]) pour le pantoprazole.
Le délai d’apparition de l’asthme après initiation des IPP a également été précisé. Le surrisque est de 60 % dans les 3 mois (RR = 1,62 ; [1,4-1,9]), 73 % dans les 3 à 6 mois (RR = 1,73 ; [1,52-2]) et de 53 % (RR = 1,53 ; [1,4-1,6]) ensuite. Quelle que soit la durée cumulée de traitement par IPP, le surrisque est significatif, même s’il varie de + 50 % pour une durée inférieure à 1 mois à plus 60 % pour une durée supérieure à 1 an.
Enfin, bien que le surrisque soit observé dans toutes les tranches d’âges, il est maximal chez les plus jeunes. On est à plus 80 % d’asthme chez les moins de 6 mois (RR = 1,83 ; [1,6-2]) et plus 90 % chez les 6 mois-2 ans (RR = 1,91 ; [1,6-2,2]).
« Ces données appellent à peser soigneusement à l’avenir les prescriptions d’IPP en pédiatrie, en tenant compte du rapport bénéfice/risque individuel estimé », concluent les auteurs.
(1) YH Wang et al. Association Between Proton Pump Inhibitor Use and Risk of Asthma in Children. JAMA Pediatr 2021 ; doi : 10.1001/jamapediatrics.2020.5710
(2) E Mitre et al. Association between use of acid-suppressive medications and antibiotics during infancy and allergic diseases in early childhood. JAMA Pediatr. 2018 ; 172 : e180315.
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