Si la tuberculose est bien connue des cliniciens et encore tragiquement d’actualité (1,6 million de morts par an dans le monde), les mycobactérioses non tuberculeuses, notamment pulmonaires, restent largement ignorées du grand public et de la plupart des médecins. Elles sont pourtant en pleine expansion et posent des problèmes bien différents de ceux de la tuberculose.
Une grande variété de germes
Les mycobactéries non tuberculeuses (MNT), autrefois appelées « atypiques », comptent plus de 160 espèces recensées. Elles vivent principalement dans le sol et l’eau et possèdent des degrés de virulence très variables. Tous les humains y sont exposés. Parmi celles qui posent le plus souvent des problèmes dans notre espèce, on retrouve Mycobacterium avium complex (regroupant M. avium, M. intracellulare et M. chimaera), M. abscessus (notamment chez les patients atteints de mucoviscidose), M. xenopi et M. kansasii.
Formes fibrocavitaires ou nodulaires bronchiectasiantes
Les patients les plus touchés par les mycobactérioses sont ceux atteints de dilatation des bronches. En dehors de la mucoviscidose et des individus immunodéprimés, les femmes plutôt maigres, âgées de plus de 50 ans, parfois cyphoscoliotiques, représentent la plus grande proportion d’individus atteints. Il faut savoir évoquer ce diagnostic en cas de toux chronique ou d’altération progressive de l’état général, sans forcément attendre la survenue d’une hémoptysie. L’imagerie thoracique est non spécifique et peut aller de simples micronodules pulmonaires à des excavations importantes. Il est important de savoir que la mise en évidence de toute mycobactérie nécessite une analyse mycobactériologique : on ne retrouve jamais de MNT sur un examen cytobactériologique standard des expectorations. Il faut donc demander spécifiquement une recherche de mycobactéries au laboratoire, tout comme pour le classique « BK crachat ».
Le traitement n’est pas systématique
Contrairement à la tuberculose, la mise en évidence d’une MNT n’impose ni isolement respiratoire ni traitement systématique. En effet, il existe des colonisations à MNT. La décision de traiter ou pas dépend du type de MNT identifiée, de la sévérité de l’atteinte pulmonaire, du risque de progression de la maladie, de la présence de comorbidités et de l’objectif même du traitement. Ici, comme dans bien d’autres situations, on décide de traiter (ou pas) un patient atteint de mycobactériose et non une mycobactérie. Il existe réellement une place pour une décision médicale partagée, car le traitement dure au minimum 12 mois (souvent de 18 à 24) et s’accompagne souvent d’effets indésirables.
Des schémas non dénués d’effets secondaires
Plusieurs recommandations internationales guident le choix des molécules qui composeront le régime thérapeutique pour une MNT donnée.
• Le traitement des mycobactérioses pulmonaires à M. avium complex repose sur la clarithromycine ou l’azithromycine, en général associée à la rifampicine et à l’éthambutol. L’essai clinique CLAZI, actuellement en cours en France, compare clarithromycine et azithromycine dans cette indication. Une mycobactériose disséminée ou avec de nombreuses excavations fera ajouter de l’amikacine intraveineuse (IV). Si l’évolution est défavorable, avec notamment absence de négativation des expectorations malgré un traitement bien conduit, il est désormais possible d’avoir accès à des nébulisations d’amikacine liposomale sous forme d’ATU nominative après avis favorable du Centre National de Référence des mycobactéries (CHU Pitié Salpêtrière) ou de la réunion de concertation pluridisciplinaire dédiée cette thématique au CHU d’Amiens.
• Le traitement d’une mycobactériose pulmonaire à M. abscessus comporte une phase d’attaque avec de la clarithromycine ou de l’azithromycine, associée à des traitements IV à type d’amikacine, de tigécycline et d’imipénème pendant 3 à 6 mois, puis une phase d’entretien associant macrolides, amikacine nébulisée et 1 à 3 molécules par voie orale à choisir parmi clofazimine, linézolide, minocycline, moxifloxacine ou cotrimoxazole.
• Les souches de M. xenopi se traitent par clarithromycine ou azithromycine, rifampicine et éthambutol, avec adjonction de moxifloxacine ou d’amikacine IV en cas de sévérité.
• M. kansasii se traite habituellement par isoniazide (parfois clarithromycine ou azithromycine), rifampicine et éthambutol.
Une bonne collaboration entre le médecin traitant, le pneumologue ayant initié le traitement et le laboratoire de mycobactériologie est indispensable pour gérer au mieux ces patients compliqués pour lesquels de nombreux progrès restent à faire, notamment en termes de toxicité.
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Il faut savoir évoquer le diagnostic en cas de toux chronique ou d’altération progressive de l’état général
Institut du thorax, service de pneumologie, INSERM UMR1087, CNRS UMR 6291, Université de Nantes(CHU Nantes) et Groupe pour la recherche et l’enseignement en pneumo-infectiologie (GREPI), Société de pneumologie de langue française (Paris).
Au cours des 5 dernières années, le Pr Blanc déclare avoir été pris en charge (inscription, transports, hébergement) à l’occasion de congrès scientifiques par AstraZeneca, Boehringer/Pfizer, GSK, Isis Médical, Novartis, SOS Oxygène et Téva. F.-X. Blanc a été coinvestigateur de l’essai clinique Convert (INS-212 et INS-312) promu par le laboratoire Insmed.
Pour en savoir plus :
Andréjak C, et al. Diagnostic et traitement des mycobactérioses atypiques d’expression respiratoire. Rev Mal Respir 2011;28:1293-1309
Haworth CS, et al. British Thoracic Society guidelines for the management of non-tuberculous mycobacterial pulmonary disease (NTM-PD). Thorax 2017;72:ii1-ii64.
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