LES GROSSESSES sous psychotropes sont de plus en plus fréquentes : une étude réalisée sur la Haute-Garonne en 2008 rapporte notamment que cela concernerait 6 % des grossesses contre 3,5 % il y a dix ans dans cette région. Même si ces traitements ne sont pas anodins, on sait aujourd’hui qu’il y a un danger encore plus grand à les interrompre brutalement au seul motif de la grossesse. « Le risque de rechute à la naissance et dans les mois qui suivent reste très élevé : il a ét montré que 27 % des mères bipolaires étaient réadmises à l’hôpital dans l’année qui suivait la naissance. D’où l’importance du rôle des psychiatres pour les patientes régulièrement suivies et, pour celles qui n’ont plus de suivi spécialisé, de celui du médecin traitant, qui doit alors prendre contact avec psychiatre et obstétricien », insiste le Dr Bourrat.
À court terme.
Pendant la grossesse, les psychotropes font courir des risques immédiats au fœtus, le premier étant celui d’une malformation précoce. Par exemple, le risque d’embryopathie est particulièrement important avec le valproate (dysmorphie faciale et/ou malformation du tube neural [spina bifida], associées à des troubles du comportement). « C’est pourquoi il est impératif de bien avertir la patiente de ces risques, de l’encourager à prendre un contraceptif tant qu’elle est sous valproate et, dans la mesure du possible, de changer son traitement en cas de désir de grossesse, insiste le Dr Bourrat. Les IRS peuvent, en début de grossesse, entraîner des malformations cardiaques et, en fin de grossesse, des troubles néonataux à type d’agitation, de troubles du tonus, voire de convulsions. Même si ces troubles ne sont présents que dans 20 % des cas, il est essentiel qu’un dialogue entre le psychiatre et l’obstétricien puisse s’établir précocement. »
À la naissance, anxiolytiques et benzodiazépines font courir le risque d’un syndrome d’imprégnation qui se manifeste, durant trois à quatre jours, par une hypotonie, une baisse de réactivité, une somnolence et une difficulté à téter. « L’accueil du bébé doit donc être prévu car une assistance respiratoire est parfois nécessaire, rappelle le Dr Bourrat. Avec les tricycliques, le syndrome d’imprégnation peut prendre la forme d’une hyperexcitabilité et d’une agitation transitoire, avec une constipation, voire une hypertension pulmonaire. Il peut y avoir des effets à type de sevrage néonatal si la mère a consommé en plus des substances toxiques ou, dans une moindre mesure, pris des substitutifs : le bébé peut avoir des pleurs importants, une hypertonie, des tremblements, voire des convulsions et des troubles digestifs. Plus que jamais, une étroite collaboration entre psychiatre et équipes obstétricale et pédiatrique est donc indispensable et il existe des équipes mobiles qui peuvent se déplacer dans les maternités et des hospitalisations spécialisées mère – bébé, très utiles. »
À long terme.
Les effets à plus long terme sont moins bien connus.
Les enfants exposés au cours des deux derniers trimestres de la grossesse à des antidépresseurs pourraient marcher et s’asseoir plus tardivement. Un travail sur les antipsychotiques atypiques a pointé des modifications des sécrétions neurocérébrales, à l’origine d’une possible prise de poids.
« D’autres études montrent que ces enfants ont un risque de développer une pathologie plus importante que celui de la population ordinaire. Cela invite à étudier plus précisément les interactions gène – environnement, à préciser la part des pathologies parentales et celle du traitement », conclut le Dr Marie-Michèle Bourrat.
D’après un entretien avec le Dr Marie-Michèle Bourrat, présidente de la SFPEADA (Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et disciplines associées).
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