Après avoir reçu mardi à l’Élysée plus de 250 maires de villes touchées par les émeutes, Emmanuel Macron a annoncé une loi d’urgence pour accélérer la reconstruction. Le Dr Émile Roger Lombertie, psychiatre et maire (LR) de Limoges, était présent lors de cette réunion. Pour « Le Quotidien », il revient sur cette rencontre avec le chef de l’État, les nuits de violence qui ont embrasé certains quartiers de sa commune et livre son analyse des raisons qui ont conduit à ce déchaînement urbain.
LE QUOTIDIEN : Votre ville a-t-elle été fortement touchée par les émeutes ?
DR ÉMILE ROGER LOMBERTIE : Beaucoup, oui, dans les quartiers. La violence était organisée avec des gens venus avec des barres de fer, un fusil à pompe pour faire sauter la caméra de vidéosurveillance de la mairie de quartier. Ils ont complètement brûlé la mairie annexe située juste à côté d’un point de deal. Ils ont aussi essayé de brûler un commissariat périphérique et il y a eu des dégâts de fait sur des bâtiments et des supérettes. Mais la réaction de nos forces de police, municipale et nationale, a permis de freiner un peu les exactions. On a bien travaillé avec la préfète mais la population a été très, très choquée.
Limoges n’est-elle pas réputée pour être une ville plutôt calme ?
Non, depuis que j’ai été élu en 2014, j’ai vu monter la violence dans certains quartiers, avec des phénomènes de bandes et la montée du trafic de drogue. C’est une réalité que je connais depuis longtemps.
J’avais organisé les soins de prise en charge dans le cadre de la lutte contre la toxicomanie, à Limoges. Quand j’étais psychiatre hospitalier, j’avais créé l’unité et le service d’addictologie. Et puis, il y a un problème d’immigration, dont personne ne veut parler, mais qui fait partie aussi du tableau, avec des amalgames de jeunes qui sont un peu perdus socialement. Les policiers m’ont également indiqué qu’ils avaient arrêté des jeunes qu’ils ne connaissaient pas, mais qui se réclamaient de l’ultragauche.
Le calme est-il revenu ?
Oui, pour l’heure. Au plus fort des émeutes, l’État et les services du ministère de l’Intérieur ont renforcé la présence policière. De plus, l’hélicoptère de la gendarmerie, avec son faisceau lumineux, a bien aidé et surtout montré comment les actions des émeutiers étaient très structurées. Ils étaient réapprovisionnés en feux d’artifice dont ils se servaient comme des mitraillettes ou des mitrailleuses, en fonction de la grosseur des mortiers pouvant contenir 8, 20 ou 30 projectiles.
Vous faites partie des quelque 250 maires à avoir été reçus ensemble par Emmanuel Macron. Que vous a dit le président ?
Il a fait une courte introduction. Ensuite, la réunion a surtout été l’occasion d’une grande psychothérapie de groupe. On voyait bien que l’ensemble des élus avaient été secoués et avaient besoin de parler, d’exprimer leur ressenti.
Chacun a évoqué la nécessité de réponses et de solutions potentielles. Tout le monde a réclamé un meilleur maintien de l’ordre, une organisation de l’État et une justice qui soit plus efficace et plus opérante. Mais dans l’immédiat, nous avons surtout demandé la réparation la plus rapide possible des bâtiments publics endommagés, qui sont au service de la population, et l’accompagnement des commerçants dont les boutiques ont été endommagées ainsi que celui des particuliers qui ont vu leur voiture brûlée.
Que vous a répondu le chef de l’État ?
Qu’il nous accompagnerait. Il nous a dit aussi qu’il allait demander, par l’intermédiaire des préfets, que l’on refasse le point, dès cet été je pense, pour connaître l’ensemble des dégâts et revenir sur notre sentiment, notre analyse, les retours de nos administrés afin d’évaluer ce que l’on pourrait mettre en place et éviter que de tels événements se reproduisent.
En tant que psychiatre, qu’est-ce que de tels événements traduisent de l’état de la société française ?
Ce que je vois, c’est que nous avons entièrement abandonné le champ de la PMI et l’accompagnement des écoles. Du coup, l’autorité s’y est complètement délitée.
En outre, nous avons des populations migrantes qui sont parquées dans des cités et que beaucoup de mères élèvent seules. Ces mamans, on les met en cause en voulant leur supprimer les allocations familiales alors que l’organisation de notre société devrait pouvoir les aider à éduquer leurs enfants et mettre en place des systèmes qui rappellent l’existence de la loi, de l’autorité, du lien social et du vivre ensemble !
Aujourd’hui, dans certains quartiers, ce sont les dealers qui s’occupent des gamins dans les rues… Comment voulez-vous faire des hommes socialisés à partir d’enfants qui sont livrés à eux-mêmes ? Il nous faut des solutions de long terme. Dans l’immédiat, les rénovations urbaines après les dégradations sont indispensables, mais il faut aussi cet accompagnement social auprès de la population. Si on ne l'instaure pas, ça va nous repéter à la figure.
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