Antiaromatases

Faut-il craindre un retentissement osseux ?

Publié le 12/12/2011
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CETTE ÉTUDE a concerné des femmes traitées pour un cancer du sein, avec une chirurgie, une radiothérapie focalisée, une chimiothérapie adjuvante pour moitié d’entre elles et un médicament anti-aromatase. « Ce dernier bloque l’aromatase qui est une enzyme permettant la conversion des androgènes produits par les surrénales en estrogènes et induisant de fait, la persistance d’une petite imprégnation œstrogénique chez la femme ménopausée. Les anti-aromatases permettent ainsi d’abaisser à zéro ce taux d’estrogènes, ce qui s’accompagne d’une réduction du risque de récidive de cancer du sein. En contrepartie, la question du risque accru d’ostéoporose mérite d’être posée. C’est pourquoi nous avons bâti cette étude, à la demande des cancérologues » explique le Pr Legrand.

Près de 500 femmes incluses.

Ont été incluses dans cette cohorte, 497 femmes de 64 ans d’âge moyen et ménopausées à 49,5 ans. Ces femmes ont été vues en consultation afin de vérifier l’existence éventuelle de facteurs de risque clinique d’ostéoporose, la prise en compte du traitement du cancer, la mesure de la densité osseuse et fémorale, un bilan phosphocalcique biologique pour connaître le statut vitaminique D, des radiographies du rachis à la recherche de fractures vertébrales ostéoporotiques (et pour faire la différence avec une éventuelle atteinte métastatique).

« La première surprise que nous avons eue, est le fait que 19 % des patientes avaient déjà des fractures vertébrales. En outre, le quart des patientes avait une densité osseuse basse. Enfin, la carence en vitamine D était hautement prévalente dans cette population puisque 85 % des femmes étaient carencées » poursuit le Dr Legrand. Les patientes concernées ont donc été prises en charge : supplémentation en vitamine D, recommandation pour manger davantage de produits riches en calcium et, pour les patientes qui avaient d’emblée les critères d’ostéoporose (soit une fracture vertébrale ou fémorale, soit une densité osseuse très basse avec un T-score inférieur à 2,5), un traitement par biphosphonates. « Nous nous sommes ainsi retrouvés avec deux groupes des femmes : un groupe ayant un statut osseux normal ou subnormal et un second groupe de femmes ostéoporotiques, recevant des biphosphonates. À 3 ans, nous avons pu revoir en consultation 390 patientes. Parmi les causes de perdues de vue, il y a eu des déménagements, quelques décès, des métastases osseuses rendant l’interprétation des résultats impossibles et l’arrêt précoce des anti-aromatases. Parmi ces 390 patientes, 268 femmes appartenaient au groupe sans ostéoporose et 122 femmes, au groupe avec ostéoporose. Chacun de ces groupes a fait l’objet de sa propre analyse ».

Des résultats rassurants.

Dans le premier groupe (sans ostéoporose), la perte osseuse est restée assez modérée puisqu’elle a été chiffrée à - 3,4 % pour le rachis lombaire et – 2 % sur la hanche, ce qui correspond à la perte osseuse physiologique attendue sur 3 ans. Parmi elles, 14 sont devenues ostéoporotiques (5,2 %), 11 femmes (4,1 %) ont présenté une fracture périphérique et 6 femmes (2,2 %) ont eu une fracture vertébrale repérée sur les radiographies. « Ce sont là encore, des chiffres habituels compte tenu de l’âge des femmes. Ces résultats suggèrent que les anti-aromatases n’augmentent pas significativement la perte osseuse comme on aurait pu le craindre ou comme on l’observe au cours des traitements prolongés avec des corticoïdes » souligne le Pr Legrand.

Dans le second groupe ostéoporotique, le bisphosphonate reçu était un traitement oral hebdomadaire. « Nous avons observé que la densité osseuse au niveau du rachis et de la hanche, se maintenait. Le bisphosphonate a donc bloqué la perte osseuse qui aurait dû survenir, sans pour autant permettre un gain. Conséquence : 12 femmes (9,8 %) ont présenté une fracture périphérique et 10 femmes (8,2 %), une nouvelle fracture vertébrale. Cette prescription n’a donc pas été suffisante pour ramener ces femmes au même niveau de risque de fracture que dans le groupe 1. La question désormais posée est de savoir s’il est possible de faire mieux, peut-être avec un bisphosphonate injectable (pour limiter les risques de mauvaise observance) ou une autre thérapeutique. Cette question devra faire l’objet d’autres études » conclut le Dr Legrand…

D’après un entretien avec le Pr Erick Legrand, service de rhumatologie, CHU d’Angers et la communication orale 7 673.

 Dr Nathalie Szapiro

Source : Congrès Hebdo