QUAND ON PARLE d’éducation thérapeutique dans la fibromyalgie, une boutade dit que ce sont les patientes qui viennent enseigner leur réalité aux médecins ! Fait curieux en effet, alors qu’il n’existe pas de consensus fort pour cette entité parmi les spécialistes, de plus en plus de femmes viennent revendiquer en consultation un diagnostic qu’elles ont posé elles-mêmes. « Le récent battage médiatique y est certainement pour quelque chose, de même que le rôle des associations de patientes… Mais aujourd’hui encore, il est difficile de poser ou de récuser le diagnostic avec certitude, tant d’inconnues persistent. Pourtant, cette entité existe, de façon isolée ou en association avec d'autres affections bien définies. Il est important de noter que la définition de l’American College of Rheumatology (ACR) ne comprend pas de critères d'exclusion », constate le Dr Charles Masson, rhumatologue au CHU d’Angers.
Une entité aux contours flous.
« Un écueil à éviter est de passer à côté d’un rhumatisme inflammatoire chronique. Il est ainsi fondamental de s’assurer de l’absence de signes articulaires locaux inflammatoires en faveur de synovites ou d'enthésites », met en garde le Dr Masson. « Par ailleurs le diagnostic peut se faire hésitant entre une fibromyalgie, un syndrome de fatigue chronique ou des troubles anxiodépressifs isolés, les frontières nosographiques pouvant être floues et mouvantes. Baptisée fibromyalgie depuis peu, cette entité mystérieuse a traversé les époques sous des noms différents. Il est ainsi probable que Proust, cloîtré chez lui pour l’écriture d'"À la recherche du temps perdu", qu’on disait neurasthénique, était en fait fibromyalgique. »
Stratégie dite du « coping ».
L’éducation doit être centrée sur deux axes : l’acceptation du caractère chronique et l’espoir de nouveaux traitements. « De façon élémentaire, la première des choses pour le médecin est de témoigner de l’empathie, même s’il lui arrive de se sentir en situation difficile. Ces femmes sont au bout du rouleau en permanence et vivent très mal une attitude rejetante. L'approche du médecin est d'autant plus délicate que les traitements antalgiques classiques (anti-inflammatoires non stéroïdiens, antalgiques majeurs, décontracturants musculaires) sont peu ou pas efficaces. Quant aux antidépresseurs, comme l'amitriptyline, ils peuvent atténuer certains symptômes mais de façon partielle et sans restaurer totalement le sommeil. De plus la fibromyalgie ne disparaît pas avec le temps qui passe. »
« La reconnaissance de l'état de santé par le médecin et la patiente est la première étape dans le processus d’acceptation », rappelle le rhumatologue « mais c’est insuffisant ». La patiente souhaite une amélioration de son état fonctionnel. Il faut se méfier cependant de l’escalade thérapeutique et toujours s’assurer que les bénéfices justifient les risques. Dans tous les cas en revanche, ne pas négliger la stratégie du « coping » selon le terme anglais, que l'on peut traduire en français par « faire avec » ou « faire face ». La patiente doit apprendre à vivre le plus normalement possible avec son handicap. Retrouver un bon sommeil est essentiel, cette simple mesure aidant à faire disparaître bon nombre de manifestations fibromyalgiques. Le reconditionnement à l’effort inspiré des thérapies cognitives et comportementales pourrait être une voie séduisante. Mais elle ne convainc pas le spécialiste. « Il est un peu illusoire de vouloir persuader une femme qu’elle peut reprendre une activité physique plus intense, alors qu’elle est déjà accablée de ne pas trouver la force pour faire son quotidien », remarque-t-il. Le soutien psychologique est nécessaire, surtout s’il existe la notion de traumatisme physique ou d’abus sexuels dans l’enfance et l’adolescence. À noter que sauf cas particuliers, la prise en charge ne relève pas du domaine psychiatrique. « Gageons, dit le spécialiste, que dans les années qui viennent la recherche sur les neuromédiateurs et les troubles de la microcirculation permettra une meilleure approche thérapeutique. »
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