Grand-Serre, Hauteville, Mervans, Nouvelle-Église, Beaumont-Hague, Bains-sur-Oust, Castellane… Anaïs Werestchack, médecin généraliste fraîchement diplômée et ancienne Miss Auvergne, s'est lancée en 2024 sur les routes pour un Tour de France des déserts médicaux, avec son compagnon kinésithérapeute. « Nous voulions commencer notre carrière en effectuant des remplacements afin d’acquérir de l'expérience. Issus tous les deux d’Auvergne, nous sommes sensibles à la question des déserts médicaux », se remémore Anaïs. Après avoir acheté un camping-car, le jeune couple a passé un mois dans chaque commune et, au total, la généraliste a remplacé 31 médecins dans 12 villages. Le constat est cinglant ! Elle décide aujourd’hui d’alerter via son compte Instagram pourvu de 46,8 k followers l’ensemble de la population à travers une lettre ouverte publiée cette semaine.
Pas facile de trouver des remplacements
Le périple commence dans la Drôme le 1er janvier 2024. Trouver des remplacements se révèle ne pas être une mince affaire. « Nous avons envoyé 60 mails aux CPTS, et passé une vingtaine d’appels pour essayer de trouver des confrères qui avaient besoin d'être remplacés », déplore la jeune praticienne.
Un phénomène d’autant plus absurde alors qu’un rapport de la Drees publié en décembre 2021 intitulé « Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques » recommandait de mieux financer et de consolider cette activité clé pour lutter contre les carences médicales dans les déserts. « C’était compliqué. À l’heure actuelle, il n'y a pas de plateforme mise en place par le gouvernement, le ministère de la Santé ou la Sécurité sociale. Il n'existe que des organismes privés comme Swing », explique-t-elle. Cette situation en décourage plus d’un qui serait partant pour remplacer des confrères, mais ignore comment faire, déplore la généraliste.
« Quand on dit : “En France, la santé est partout et pour tous”, ce n’est pas vrai », renchérit-elle. Elle rappelle que plusieurs millions de personnes restent sans médecin traitant, avec en corollaire des délais d’obtention d’une consultation extrêmement longs, et des retards dans les prises en charge et donc des conséquences directes sur la santé des gens. « Nous avons notamment les aînés qui sont très isolés ; ils n'arrivent plus à trouver de médecin qui vienne à domicile, renouvelle les traitements… Les urgences ne se déplacent même plus dans certains Ehpad », observe-t-elle.
Dans l’Aveyron, la jeune praticienne a été témoin d’une situation dramatique. Elle raconte ainsi l’histoire d’un patient en Ehpad dont le pronostic vital était engagé et qui devait aller aux urgences. Le 15, surchargé, n’avait plus d'ambulance. Le patient qui avait finalement pu être pris en charge aux urgences a été renvoyé à l’Ehpad, par manque de place. Il y est décédé. « Ce monsieur aurait pu être l’un de nos grands-parents, un parent et ce pourrait même être nous demain » dit-elle, la voix pleine d’émotion.
Interpeller les pouvoirs publics
Cette expérience marque profondément Anaïs Werestchack, qui décide d’interpeller les pouvoirs publics sur cette situation. En novembre, elle écrit une lettre aux députés et ne reçoit que la réponse de Jean-François Rousset, député de la troisième circonscription de l’Aveyron. L’instabilité du gouvernement n’aide pas : « Il m'a expliqué qu’il était compliqué d'amener cette lettre en séance ouverte au vu de la situation politique. » Frédéric Valletoux donnera aussi une suite au courrier. « Nous avons l’impression que les politiciens ont les yeux fermés sur ce qui se passe. La seule solution proposée se résume à l'obligation d’installation des médecins. Je me demande vraiment comment ils réfléchissent : nous savons que cela sera contre-productif », alerte la généraliste.
Pour la jeune praticienne, la preuve est apportée cette année. Pour la première fois, les postes d'internes en médecine générale n'ont pas été pourvus, alors que cela faisait 5 ans qu'ils l'étaient. « Je reçois tous les jours des messages d'étudiants qui me disent qu’ils ne vont pas choisir médecine générale à cause de cette coercition. Certains préfèrent partir à l’étranger ou se réorienter », conclut la Dr Werestchack.
Les politiques ne sont pas les seuls en cause pour la généraliste, la population peut aussi faire de petites choses à son échelle comme honorer ses rendez-vous. Lors de son Tour de France, elle se rappelle avoir dû refuser quatre patients alors que, dans le même temps, quatre autres lui avaient posé un lapin.
Les déserts médicaux et l’avenir de la médecine général sont « un problème pour les patients qui, même s’ils ne sont pas touchés aujourd'hui, le seront demain, ou s'en rendront compte quand l’un des leurs sera concerné ».
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