« J’ai été victime de menaces de mort, j’étais toujours en fuite. » Médecin généraliste dans l’est de la République démocratique du Congo, Gloria* a dû se résoudre, en 2022, à quitter sa région meurtrie par les conflits armés, après y avoir exercé pendant une dizaine d’années. « Une fois en France, j’ai eu l’occasion de trouver un poste de stagiaire associé, comme faisant fonction d’interne (FFI), dans un centre hospitalier dans le Trégor [Bretagne]. C’est ce qui m’a permis de m’installer dans ce pays », raconte la jeune femme qui a obtenu le statut de réfugiée. Gloria a rapidement déchanté. Ce qui semblait être une bouée de secours se transforme rapidement en chimère.
Son premier contrat dans un centre hospitalier à Lannion est annulé après seulement une semaine. Un double coup dur pour la médecin de 40 ans, logée dans un appartement de l’hôpital. « Il m’a été dit : "Tu ne vas pas travailler ici, on ne veut pas de toi. Tu ne corresponds pas à ce que nous recherchons." » se remémore cette dernière. Le directeur de l’établissement tente alors de lui trouver une autre affectation au sein de l’établissement, et l’autorise à rester dans son logement quelques semaines de plus. Mais après quelques jours, aucune solution n’apparaît, aucun service ne peut l’accueillir. « Sans ce logement je me retrouvais à la rue. J’étais perdue », se souvient-elle.
Une lueur d’espoir
L’omnipraticienne contacte alors l’ARS Bretagne afin d’obtenir une autorisation d’exercice. Le 21 novembre 2024, elle reçoit une attestation stipulant qu’elle « remplit les conditions pour être affectée, de façon temporaire, dans un service agréé pour la formation des étudiants en troisième cycle au sein d’un établissement de santé ou médico-social, sous le statut de praticien associé ». Toutefois, cette autorisation est soumise à plusieurs conditions, dont se présenter avant le 31 juillet 2025 aux épreuves de vérifications des connaissances (EVC), un concours très sélectif et sésame indispensable pour tous les médecins à diplôme étranger (hors union européenne) qui souhaitent exercer en France.
Cette attestation lui permet d’obtenir un contrat de praticien associé dans une fondation en Bretagne pour une durée de six mois, du 1er juillet au 31 décembre 2024. Gloria y exerce en tant que médecin généraliste en psychiatrie. Mais à l’issue de cette période, elle est informée que son contrat ne sera pas renouvelé faute d’avoir réussi les EVC. La fondation avançait également un argument financier. « Ils m’ont dit que mon contrat coûtait trop cher et qu’ils ne pouvaient pas continuer avec moi », raconte-t-elle. Son salaire correspondait alors à un échelon 2, soit environ 2 481 euros nets par mois. L’établissement lui propose un poste d’ASH (aide-soignant en milieu hospitalier). La médecin refuse étant donné la différence de fonction avec sa formation.
« Pour réussir les EVC il faut connaître la bonne méthode et les bons protocoles. Je ne savais pas comment me préparer »
Depuis, la praticienne vit sur ses économies, sans pouvoir bénéficier du RSA. Dans l’espoir de trouver un emploi plus facilement, elle tente sa chance à Paris. Son avenir dans la médecine reste conditionné à sa réussite aux EVC. « Pour réussir les épreuves, il faut connaître la bonne méthode et les bons protocoles. Je ne savais pas comment me préparer », explique-t-elle. Après deux échecs (sur 4 tentatives autorisées), Gloria ne se décourage pas. Pour mettre toutes chances de son côté, elle s’est inscrite à une formation en ligne qui aide les médecins étrangers dans leurs révisions.
* Le nom a été modifié
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