Si en France, l’amiante est interdite depuis 1997, les affections qui lui sont imputables « vont encore être observées pendant plusieurs décennies » alerte le Pr Jean-Claude Pairon (Inserm U955/ CHIC de Créteil) dans l’éditorial du BEH daté d’aujourd’hui*. Entièrement dédiée aux effets de l’amiante sur la santé, la publication de l’Invs souligne la complexité du problème et bat en brèches plusieurs idées reçues.
Le mésothéliome en plein boum
Premier constat, pour les mésothéliomes, le nombre de cas tend toujours à augmenter comme en témoignent les chiffres rapportés par A. Gilg Soit Ilg et coll. (Invs). Ces auteurs pointent une hausse du nombre de cas annuels entre les périodes 1998-2000, d’une part (736 cas annuels estimés) et 2009-2011, d’autre part (1073 cas annuels estimés). « Contrairement à ce qui avait pu être avancé précédemment nos résultats suggèrent que le pic d'incidence n'est peut être pas encore atteint, » analyse Anabelle Gilg Soit Ilg.
D’autres cancers concernés
Autre raison d’inquiétude : si les mésothéliomes et les cancers bronchopulmonaires restent les tumeurs liées à l’amiante les plus emblématiques « de nouveaux sites de cancers (larynx et ovaire) sont venus s’y ajouter » souligne Jean-Claude Pairon. Ainsi, selon un autre travail coordonné par Anabelle Gilg Soit Ilg jusqu’à 700 nouveaux cas de cancers du larynx et près d’une cinquantaine de cancers de l'ovaire découverts en 2012 pourraient être attribués à une exposition professionnelle à l'amiante.
Plus globalement le nombre de cas de cancers attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante -mésothéliome pleural, cancers bronchopulmonaires, cancers du larynx et de l’ovaire- est estimé, en 2012, entre 2002 et 5094 chez les hommes et entre 179 et 315 chez les femmes. « Ces estimations confirment le poids considérable des expositions professionnelles à l’amiante dans la survenue de certains cancers dans la population française » concluent les auteurs.
Des expositions qui perdurent
Par ailleurs, pour H. Goulard et coll certaines expositions professionnelles ont été sous-estimées, au premier rang desquelles celles concernant les artisans. Pour ces auteurs, près de la moitié des artisans retraités ont été exposés plus de 30 ans, soit la majeure partie de leur carrière. « Sachant que les durées d’exposition longues, de plus de 20 ans notamment, entraînent une augmentation des risques de mésothéliome ou de plaques pleurales, la survenue de pathologies en lien avec l’amiante chez les artisans retraités pourrait être non négligeable ».
Encore plus préoccupant peut être: certaines expositions pourraient perdurer malgré l’interdiction de 1997. Ainsi, « beaucoup de matériaux comportant de l’amiante (MCA) sont encore en place, sur lesquels de nombreux professionnels (ou bricoleurs) interviennent, parfois sans connaissance de leur nature réelle et donc sans précaution spécifique », alerte le Pr Pairon.
Dans ce contexte, « si d’aucuns pourraient considérer la thématique amiante comme résolue, ce n’est malheureusement pas le cas » résume le Pr Pairon qui appelle à renforcer la surveillance mais aussi la prévention des affections liées à l’amiante.
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