En cas d’arthrose, les femmes sont plus souvent symptomatiques que les hommes et « à score radiographique égal, leur niveau de douleur est plus élevé y compris après ajustement de l'âge, de l'IMC, le score de dépression, le niveau d'éducation, etc. », souligne la Dr Alice Courties (rhumatologie, hôpital Saint-Antoine).
Peu d’études dédiées
Comment expliquer ce constat ? Très peu de publications se sont intéressées à ce sujet. En outre, la quasi-totalité des études précliniques sur l'arthrose sont faites sur la souris mâle. Les National Institutes of Health, qui décident des subventions de recherche aux États-Unis, s'en sont émus et ont rendu l'étude du sexe comme une variable obligatoire pour toute demande de financement depuis 2016. Quelques études sont donc sorties, permettant d'évoquer différentes hypothèses, notamment une plus grande sensibilité des femmes à certains facteurs de risque, comme l'obésité. Mais cette explication se heurte au fait que le tissu viscéral est celui qui est le plus associé à la douleur, alors que les femmes ont plutôt une adiposité sous-cutanée. De plus, seuls 20,4 % des cas d'arthrose sont liés à un surpoids. Autre hypothèse : le rôle des hormones en périménopause, mais là encore, traiter la carence œstrogénique n'a pas montré d'impact sur la douleur arthrosique. Reste l’hypothèse de la neuro-immunité, la plus crédible. « Quand on ponctionne du liquide synovial chez des sujets arthrosiques, à sévérité égale, on retrouve plus de cytokines pro-inflammatoires chez les femmes », rapporte la Dr Courties.
Des biais psychosociaux
Par ailleurs, il existe chez les femmes plus de catastrophisme et de dépressions, éléments qui pourraient moduler la réponse à la douleur. On observe aussi des biais de genre dans l'interprétation de la douleur, tant par la population générale que par les médecins. Des patients, filmés au cours d'un examen d'épaule douloureuse, devaient exprimer leur EVA ressentie. Ces vidéos étaient ensuite montrées à des non-soignants qui devaient estimer leur EVA et juger si le patient serait davantage soulagé par les antalgiques ou par la psychothérapie. À faciès douloureux et score EVA déclaré équivalents, les femmes avaient toujours une EVA estimée inférieure à celle des hommes, et ce, que l'évaluation soit faite par un homme ou une femme. De plus, la psychothérapie leur était plus souvent prescrite.
Il est urgent de mieux analyser les essais sur la douleur selon le sexe et de sensibiliser les médecins aux biais de genre
Dr Alice Courties (Paris)
Dans une étude canadienne un peu ancienne (2008), il était demandé à des personnes de jouer un rôle appris pour se comporter comme s’ils avaient une arthrose du genou limitant leur périmètre de marche à 20 minutes dans la vie quotidienne et en échec d'infiltration. Ces « patients » devaient consulter soit un médecin généraliste, soit un chirurgien orthopédique, en déclarant tous le même âge, les mêmes comorbidités, le même niveau de douleur. Résultat : « Les hommes avaient une probabilité multipliée par quatre de se voir proposer une prothèse totale de genou comparativement aux femmes et même par 22 si le médecin était un(e) chirurgien(ne) orthopédique ! », rapporte la Dr Courties.
Dans ce contexte, « il est urgent de mieux analyser les essais sur la douleur selon le sexe et de mieux sensibiliser les médecins aux biais de genre », conclut la rhumatologue.
D’après la communication « Hommes-femmes : sommes-nous égaux face à la douleur arthrosique ? »
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