Tous les 10 ans, l’étude KBP dresse un état des lieux du cancer bronchique primitif (CBP) en France. L’édition 2020, présentée en amont du congrès de pneumologie de langue française (CPLF, Lille 21 au 23 janvier 2022) met en exergue plusieurs évolutions par rapport à 2000 et 2010, avec notamment une proportion croissante de patients non-fumeurs.
Comme les éditions antérieures, l’étude KBP-2020 a été menée à l’initiative du Collège des Pneumologues des Hôpitaux Généraux, qui prennent en charge environ 50 % des cas de cancers pulmonaires en France. 8 999 patients (soit environ 20 % des cancers diagnostiqués en France) ont été inclus.
Une augmentation des CBP d’origine non tabagique
Les premiers résultats de cette étude épidémiologique en vie réelle suggèrent une augmentation des CBP d’origine non tabagique. En effet, si les fumeurs et anciens fumeurs représentent toujours la grosse majorité des patients atteints, on observe une part croissante de malades n’ayant jamais fumé. La proportion de non-fumeurs parmi les patients atteints de CBP est ainsi passée de 7,2 % en 2000 à 10,9 % et 12,6 % en 2020.
Pour le Dr Didier Debieuvre, investigateur principal de l’étude et Président du Collège des Pneumologues des Hôpitaux Généraux, cette évolution pourrait s’expliquer par le vieillissement de la population qui favorise de façon intrinsèque l’apparition de cancers – y compris pulmonaires –, indépendamment des autres facteurs de risque. Même si cela doit être confirmé « on peut aussi se dire, en étant optimiste, que c’est le fruit des campagnes de lutte contre le tabagisme qui font que la part des non-fumeurs augmentent ». Même s’ils ne sont pas mis en évidence dans cette étude, « d’autres facteurs de risque interviennent probablement, estime le Dr Debieuvre, comme la pollution, l’exposition professionnelle, etc. ».
Sans surprise, l’étude KBP-2020 met aussi en évidence une augmentation exponentielle des cancers pulmonaires féminins qui représentent désormais 34,6 % de l’ensemble des cas contre 16 %, en 2000 et 24 % en 2010. « Si l’on avait déjà vu entre 2000 et 2010 une forte augmentation de ce cancer chez les femmes, ce constat se confirme, et malheureusement au-delà de nos prévisions », déplore le Dr Debieuvre. Cette évolution, en lien avec l’augmentation du tabagisme féminin, est particulièrement marquée chez les moins de 50 ans, où 40 % des nouveaux cas de cancers bronchiques concernent désormais des femmes.
Une consommation de cannabis fréquemment retrouvée chez les jeunes patients
Par ailleurs, KBP-2020 documente pour la première fois le lien entre cannabis et cancer pulmonaire. Avec dans cette cohorte, 3,6 % de patients consommateurs de cannabis toute classe d’âge confondue mais 30 % chez les moins de 50 ans. « L’intuition quant au rôle probable du cannabis que nous avions dans notre pratique clinique est donc bien confirmée », souligne le Dr Debieuvre.
En revanche, l’hypothèse d’une augmentation des cas de CBP parmi les sujets jeunes, pressentie pas certains n’est pas vérifiée. Au contraire, l’étude KBP-2020 montre que l’âge moyen au diagnostic a plutôt augmenté, passant de 64 ans en moyenne en 2010 à 68 ans en 2020. On constate même une diminution des CBP chez les sujets jeunes (- de 50 ans) en 2020 en comparaison à 2010 et 2000.
Là encore « cette évolution pourrait s’expliquer par une hypothèse porteuse d’espoir », avance le Dr Debieuvre. À savoir : « Est-ce que les campagnes de lutte contre le tabac ne seraient pas en train de commencer à faire leurs preuves ? Le Dr Debieuvre veut y croire tout en reconnaissant qu’il est encore trop tôt pour conclure et « qu'il faudra attendre les études KBP ultérieures pour le savoir vraiment ».
Des diagnostics toujours trop tardifs
Autre constat beaucoup moins encourageant : en 2020 la majorité des CBP restent diagnostiqués de façon tardive avec toujours 60 % des cas découverts à un stade localement avancé ou métastatique, donc non curables pour la plupart.
« Cela repose la question du dépistage, estime le Dr Debieuvre. Cela permettrait de diagnostiquer à des stades plus précoces et d’optimiser les chances de guérison. Mais encore faut-il une véritable volonté à sa mise en place ». Alors que plusieurs recommandations de sociétés savantes vont dans ce sens et que certains pays ont déjà franchi le pas, un tel dépistage n’est toujours pas à l’ordre du jour en France, ni recommandé par la HAS.
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