Longtemps parent pauvre de la cardiologie, l’insuffisance cardiaque (IC) tend à rattraper son retard. En témoigne le dernier congrès de l’American College of Cardiology (ACC, 15-17 mai 2021), où plusieurs nouveaux essais sur le sacubitril/valsartan (SV) ont été présentés. Dans Paradigm-HF, ce traitement avait déjà montré qu’il réduisait significativement (-20 %) la mortalité et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée (ICFEA) par rapport à l’énalapril. Dans l’étude Paradise-MI, menée dans le post-IDM immédiat avec FEVG réduite et/ou congestion pulmonaire transitoire et au moins un autre facteur de risque d’IC, il réduit de 10 % les évènements du critère primaire – décès CV, hospitalisations pour IC ou développement d’une IC symptomatique – par rapport au ramipril mais de façon non significative. Ainsi, on ne peut pas extrapoler les résultats obtenus dans Paradigm sur une IC stable à une population différente comme le post-IDM. Le SV ne détrône donc pas le ramipril dans cette indication, mais pourrait constituer une alternative si le BNP augmente et que la FEVG reste altérée, voire s’aggrave.
L’étude Life s’est intéressée pour sa part à l’IC avancée (stade IV), avec des taux de BNP/NT-proBNP élevés et d’autres critères de gravité comme l’hospitalisation pour choc cardiogénique, le traitement récent par inotropes, la FEVG ≤ 25 %, etc. Le SV ne fait pas mieux que le valsartan seul – qui n’a d’ailleurs qu’un impact modeste. « Chez ces patients les plus graves, cela n’interdit pas l’utilisation du SV – d’autant que l’étude est sous-dimensionnée – mais il faut surtout envisager des prises en charge plus lourdes (greffe, assistances cardiaques ou sinon soins palliatifs), que le SV ne permettra pas d’éviter pour tous les malades », insiste le Pr Nicolas Lamblin (président du Groupe insuffisance cardiaque et cardiomyopathies). Ces deux études ne vont donc pas élargir les indications du SV mais permettent de mieux cerner sa fenêtre thérapeutique, à savoir les patients qui gardent un BNP élevé, sans attendre que l’IC soit trop évoluée. »
Des espoirs pour les formes à fraction d’éjection préservée
Pour l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (ICFEP), l’espoir pourrait venir de la sotagliflozine, un anti-SGLT mixte 1 et 2. Ce médicament a été évalué dans l’étude Soloist chez des diabétiques de type 2 après une hospitalisation pour IC, et dans l’étude Scored, qui n’était pas dédiée spécifiquement à l’IC mais en comptait un grand nombre. Il réduit les hospitalisations pour décès CV, hospitalisations ou consultations en urgence pour IC respectivement de 33 % à 18 mois et de 26 % à 24 mois vs placebo. Le suivi de ces deux études a dû être écourté du fait du Covid-19, aussi les résultats ont-ils été poolés afin de les stratifier en fonction de la FEVG. Sur l’ensemble des patients (11 784 patients) se confirme la diminution des évènements du critère primaire de 28 % (p = 0.000002) à 24 mois. Ce bénéfice est retrouvé quelle que soit la FEVG initiale et on l’observe aussi en cas d’ICFEP, puisque le taux d’évènements est de 45 vs 71 % pour une FEVG comprise entre 40 et 50 %, et de 37,5 vs 59 % pour une FEVG > 50 %. C’est la première fois qu’un médicament améliore le pronostic dans l’ICFEP, mais uniquement chez les diabétiques, où les mécanismes sont vraisemblablement différents des autres étiologies.
Des prises en charges de plus en plus sophistiquées
Autre espoir dans l’ICFEP : la pirfénidone, déjà utilisée dans la fibrose pulmonaire idiopathique. Dans l’étude de phase II Pirouette, cet anti-TGFβ1 s’est montré efficace pour ralentir la fibrose myocardique. Les résultats sont très préliminaires et l’étude n’a porté que sur 90 patients et sur des critères de jugement en IRM, mais elle est séduisante dans la mesure où il s’agit d’une nouvelle voie physiopathologique qui cible la rigidité myocardique.
L’arsenal thérapeutique dans l’IC tend donc à s’élargir et « la prise en charge devient plus complexe car elle doit être plus adaptée à chaque malade. Elle relève donc d’une réelle compétence, souligne le Pr Lamblin. Dans cette pathologie complexe, le choix thérapeutique dans l’ICFEP dépendra de son étiologie (HTA, diabète, amylose à transthyrétine, etc.) et des comorbidités, tandis que dans l’ICFEA, il se basera plutôt sur le stade et la sévérité ».
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