À la grand-messe qu’est la conférence internationale sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) dont la 22e édition s’est tenue la semaine dernière à Seattle, les experts français, dont ceux de l’Anrs (Agence nationale de recherche sur le Sida), ont rencontré un franc succès. À commencer par la présentation des résultats de l’essai Anrs Ipergay montrant que la prise d’un traitement antirétroviral préventif au moment des rapports sexuels diminue de 86 % le risque d’infection. L’essai de référence de prophylaxie pré-exposition (PrEp) chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), Iprex, a montré que le risque d’infection par le VIH pouvait être diminué de 44 % avec une prise quotidienne de Truvada (tenofovir et emtricitabine).
Un traitement préventif «à la demande » efficace
Le fameux essai Ipergay apporte, pour la première fois, la démonstration scientifique qu’un traitement préventif « à la demande » lors d’un rapport sexuel non protégé entre HSH est efficace. 414 HSH ont été randomisés, Truvada vs placebo. Les participants avaient en moyenne 10 rapports sexuels par mois, avec un nombre moyen de 8 partenaires différents tous les deux mois. Après un suivi moyen de 13 mois, 16 participants ont été infectés par le vih : 14 dans le bras placebo et 2 dans le bras Truvada. Et ces deux patients avaient interrompu la PrEp plusieurs semaines avant la survenue de l’infection.
Pour le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Anrs, cet essai « est un pas indéniable vers une meilleure stratégie globale de prévention où coexistent différents outils permettant de limiter les risques d’infection en fonction de son niveau d’exposition ». Un point de vue que partage le Pr Jean-Michel Molina (université Paris 7, hôpital Saint-Louis, Paris) coordonnateur de l’étude « Il est important de ne pas relâcher les politiques de prévention qui ont fait leurs preuves comme l’utilisation systématique du préservatif, les dépistages réguliers du vih et des autres IST ainsi que leur traitement ». En effet, 34 % des participants de l’étude ont contracté au cours de l’essai une autre IST. Le nombre de nouveaux cas est d’environ 6?400 par an dont 43 % concernent les HSH.
Reste que le Truvada dans cette indication bien spécifique n’a pas d’Amm en France. L’association Aides a demandé à l’ANSM que soit accordée une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) élargissant les conditions d’accès au Truvada pour les personnes particulièrement vulnérables au VIH.
Pour le Pr Delfraissy, il ne s’agit pas uniquement d’une question d’évolution d’Amm. C’est aussi une stratégie globale, notamment politique, qu’il convient de mettre en place : ce traitement sera-t-il pris en charge par la collectivité ? qui pourra le prescrire ? quels seront les centres en mesure de suivre ces patients ? Sans compter l’évaluation du risque de résistances thérapeutiques chez les sujets qui contracteront quand même le VIH, qui ne peuvent ne pas être dépistés assez tôt et qui continueront la PrEp par Truvada. Il sera donc essentiel de suivre de très près ces patients et de les dépister tous les deux mois par un test biologique performant de 4e génération.
Un sujet de fierté pour la France
Deuxième sujet de fierté nationale à la CROI, les résultats de travaux sur la cohorte française ANRS EP 47 Visconti. Unique en son genre, cette cohorte rassemble 14 patients séropositifs ayant la particularité de contrôler leur infection par le VIH, plus de 8 ans après l’arrêt de leur traitement. Chez ces patients, une thérapie antirétrovirale a été initiée précocement, au moment de la primo-infection (dans les 10 semaines post-contamination) et poursuivie en moyenne sur 3 ans. Ces patients ont alors fait le choix de stopper leur traitement. Depuis lors, le VIH reste indétectable dans les prélèvements sanguins alors qu’habituellement, la charge virale réapparait rapidement après l’arrêt thérapeutique.
Ces patients de la cohorte Visconti, baptisés « contrôleurs post-traitement », bénéficieraient d’une surexpression de certains récepteurs, les KIR (Killer Cell Ig-like Receptors) à la surface de leurs cellules NK, situées en première ligne lors d’une réaction immunitaire. Or ces récepteurs sont connus pour être associés à une progression plus lente de l’infection par le VIH. Et si, en laboratoire, l’activité cytotoxique des cellules NK ne s’est pas révélée être plus intense, elles sécrètent davantage d’interféron gamma, une protéine qui limite la propagation virale en début d’infection par l’activation des macrophages. Selon les experts de l’Anrs, ces résultats confirment l’intérêt d’une mise sous traitement précoce des personnes infectées par le vih pour préserver le système immunitaire.
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