Le Généraliste La livraison annuelle du BEH consacrée à la santé du voyageur vient de paraître. Le message essentiel porte sur la prévention de l’implantation de maladies exotiques sur le territoire français. Quelles sont les menaces ?
Pr Éric Caumes. Le MERS coronavirus représente un risque faible à ce jour, mais le risque d’importation fait partie du possible. La menace véritable est celle du chikungunya qui ravage en ce moment les Antilles où on compte des centaines de cas. Il sera importé en métropole dans un avenir proche de manière quasi-
certaine si la lutte contre le moustique tigre n’est pas correctement menée. Nous entretenons des échanges réguliers et proches avec les Antilles, notamment touristiques. Des voyageurs rentreront malades du chikungunya. Et la maladie sera transmise à quelqu’un d’autre par le moustique tigre qui s’est bien installé en France ces dernières années, comme c’est le cas dans le sud de la France où l’Aedes albopictus a colonisé 17 départements.
Après être arrivé dans les Alpes-Maritimes en 2004 en provenance d’Italie, ce moustique, particulièrement difficile à éradiquer, a successivement envahi la Haute-Corse et la Corse-du-Sud, le Var, les Alpes-de-Haute-Provence, les Bouches-du-Rhône, le Gard, l’Hérault et le Vaucluse. Il remonte maintenant vers le nord et vers l’ouest, l’année 2012 l’ayant vu apparaître dans le Lot-et-Garonne, les Pyrénées-Orientales, l’Aude, la Haute-
Garonne, la Drôme, l’Ardèche, l’Isère et le Rhône. Le moustique remonte vers Lyon et arrivera sur Paris d’ici à deux ans.
Comment se prémunir ?
Pr É. C. Tout repose sur la lutte antivectorielle. Elle passe par la destruction mécanique des gîtes larvaires et, au niveau individuel, par l’application de mesures de surveillance (entomologiques et épidémiologiques) mais aussi de lutte antivectorielle dans les espaces publics et privés. Le but est de limiter au maximum les eaux stagnantes qui favorisent la prolifération du moustique. En vidant de leur eau, par exemple, les soucoupes de plantes sur les balcons, en protégeant les récupérateurs d’eau, en entretenant la végétation, en vérifiant le bon écoulement des tuyaux d’évacuation, etc. C’est toute une culture de la lutte antivectorielle que nous devons nous approprier en France, d’autant plus que le virus du chikungunya n’est pas la seule menace. Le fait que la dengue soit apparue à Madère et que le paludisme soit réapparu en Grèce il y a quelques années est une autre raison d’être vigilant vis-à-vis des maladies vectorielles.
L’an dernier, le BEH annonçait le recul de la chimioprophylaxie à la faveur du traitement présomptif. La mouture 2014 ne reprend pas cette option. Pourquoi ?
Pr É. C. C’est un sujet compliqué sur lequel nous ne sommes pas tous d’accord tant sur le plan national qu’international. Il s’agit de confier au malade la responsabilité de sa prise en charge en traitant son paludisme de manière présomptive. Or ce voyageur a davantage de risque d’avoir une pneumonie à pneumocoque ou une grippe que de présenter un paludisme. Une telle prise en charge peut être source de retard diagnostique préjudiciable pour le patient. Les Anglo-Saxons privilégient le traitement présomptif à la chimioprophylaxie. C’est une autre culture médicale.
La meilleure chose que l’on puisse faire est de réduire les indications de la chimioprophylaxie pour l’Amérique latine et pour l’Asie du Sud et aux rares endroits où il y en a encore. Cela demande de bien connaître la géographie. La gestion fine de ces indications peut relever davantage de la consultation de médecine des voyages que de celle de médecine générale.
Un Français est-il bien protégé, aujourd’hui, quand il voyage ?
Pr É. C. Compte tenu du coût des vaccinations recommandées dans certains pays et de la chimioprophylaxie anti-palustre, des délais que nécessite certaines vaccinations avant le départ, il y a fort à parier que les voyageurs partent sans être protégés au mieux.
Même si les principales maladies infectieuses du voyageur sont des infections cosmopolites telles les infections respiratoires ou les infections urinaires chez les femmes, les maladies tropicales ne peuvent pas être négligées car source de gravité pour le malade (paludisme) ou de problème potentiel de santé publique en France (dengue, chikungunya). Et les principales causes de mortalité des voyageurs sont les accidents de la voie publique, dix fois plus fréquents que les maladies infectieuses. L’infection est responsable de moins de 3% de la mortalité alors que les accidents en représentent la moitié !
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