Elle doit encore être votée au Sénat le 2 juillet, puis à l’Assemblée le 8, mais la proposition de loi des sénateurs Laurent Duplomb (Les Républicains) et Franck Menonville (UDI, centre) sur l’agriculture vient de passer une étape clef, après son adoption en commission mixte paritaire (CMP) ce 30 juin. L’indépendance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en sort (quasiment) préservée. En revanche, le compromis trouvé par les sept députés et sept sénateurs réunis à huis clos au Sénat déçoit l’opposition, en ce qu’elle autorise la réintroduction de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018.
Alors que plusieurs dizaines de militants, élus, paysans et membres d’ONG laissaient éclater leur colère aux abords du Sénat, la CMP a voté très largement pour le texte « visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur » , avec 10 voix pour – RN, LR, centristes et macronistes – et quatre oppositions des socialistes et Insoumis. C'est « un signal fort, attendu et nécessaire, adressé à nos agriculteurs : je salue l'engagement des parlementaires qui ont œuvré à cette convergence », s'est satisfaite la ministre de l'Agriculture Annie Genevard sur X. « Avec ce texte-là, on n'entend pas les scientifiques, on n'entend pas les alertes de la science, on n'entend pas les alertes du climat », s'est au contraire désolé l'écologiste Benoît Biteau, présent en CMP.
Des évaluations qui doivent tenir compte des circonstances nationales
Le texte issu du Sénat prévoyait la possibilité pour le gouvernement d'imposer des « priorités » dans les travaux de l'agence sanitaire, mandatée depuis 2015 pour évaluer la dangerosité des pesticides mais aussi autoriser leur mise sur le marché. Élus de gauche comme scientifiques avaient dénoncé une atteinte à l'indépendance de l'Anses. Quelque 1 200 médecins et chercheurs avaient adressé une lettre ouverte en mai aux ministres de tutelle de l’agence pour s’opposer à la création d’un Conseil d’orientation agricole, composé d’industriels et de syndicats agricoles. Celui-ci était censé, dans la première mouture, fournir au ministère de l’Agriculture une liste « des usages [de produits phytosanitaires] qu’il considère prioritaires », c’est-à-dire sans alternatives suffisantes, liste qui s’imposerait à l’Anses. Son directeur général, Benoît Vallet, avait même averti les députés, le 25 mars, qu’il démissionnerait si la loi était adoptée telle quelle.
Le compromis élaboré par les parlementaires en CMP vide de leur substance ces dispositions : le comité est maintenu, mais sans mission d’aviser le ministère de l’Agriculture des produits jugés prioritaires. Mais il reste précisé toutefois que l'Agence, lorsqu'elle examine la mise sur le marché et l'utilisation de produits phytopharmaceutique, devra tenir compte des circonstances « agronomiques, phytosanitaires et environnementales, y compris climatiques qui prévalent sur le territoire national ».
Le retour d’un pesticide décrié
La réintroduction de l’acétamipride divise en revanche responsables les politiques et la société civile. Autorisé ailleurs en Europe jusqu’en 2033, interdit en France depuis 2018, ce pesticide est réclamé par les producteurs de betteraves sucrières ou de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs. La FNSEA, premier syndicat agricole, comme Coordination rurale (le deuxième), dénoncent une « concurrence déloyale » des producteurs européens et redoutent des importations de sucre produit avec des pesticides interdits en France. A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre « un tueur d'abeilles ». Ses effets chez l'humain sont source de préoccupations, même si les risques restent incertains, par manque d'études d'ampleur. Selon des sources parlementaires, la mesure pourrait concerner jusqu'à 500 000 hectares sur le territoire, dans une fourchette haute.
Certes, la CMP a introduit une « clause de revoyure » au bout de trois années de réintroduction, puis annuelle, pour vérifier que les critères d’autorisation sont toujours remplis, ou encore une interdiction temporaire de planter, sur les zones préalablement traitées avec de l’acétamipride, des végétaux qui attirent les pollinisateurs. Mais les défenseurs de l’environnement, les apiculteurs et la Confédération paysanne (3e syndicat agricole) déplorent une mesure mortifère pour le vivant. « L’évaluation de la validité du décret de dérogation après 3 ans n'est en réalité qu’un écran de fumée », tempête Générations futures.
Des régies publiques de l'eau ont récemment alerté sur la « persistance dans l'environnement » des néonicotinoïdes, s'inquiétant d’« une dégradation des milieux naturels, avec des conséquences lourdes sur les pollinisateurs, les sols, la santé humaine (...) et les ressources en eau ». Par ailleurs, le texte vise à faciliter le stockage de l’eau pour l’irrigation des cultures, et à simplifier l'agrandissement ou la création de bâtiments d'élevage intensif.
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