Peut mieux faire. Si la deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (« SNPE2 ») pour 2019-2024 a permis « des avancées », elle reste en deçà des objectifs fixés qu’elle ne permet d’évaluer que partiellement, faute d’un dispositif opérationnel de surveillance. C’est le bilan en demi-teinte qu’a dressé l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport coécrit avec l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) et rendu ce 8 juillet. La stratégie comportait cinquante actions regroupées en trois volets : former et informer, protéger la population et l’environnement, améliorer les connaissances.
« La France fait partie des rares pays ayant adopté des stratégies sur les perturbateurs endocriniens ou les produits chimiques en général », souligne néanmoins le rapport. La Belgique a mis en place une stratégie similaire en 2022, l’Allemagne seulement fin 2023. Ailleurs en Europe, le Danemark s’y intéresse de façon constante depuis 1999, la Suède de manière plus segmentaire mais avec une réglementation stricte sur les Pfas. Quant aux États-Unis, le programme sur les pesticides lancé en 1999 s’est soldé par un échec.
Un dispositif lacunaire
Réglementation, recherche et information des futurs et jeunes parents sont les points forts de l’action déployée en France, estiment les rapporteurs au terme de six mois d’investigations et près de 300 personnes entendues. Mais il n’en reste pas moins que les lacunes de la SNPE2 et le manque de suivi des indicateurs proposés n’ont pas permis de savoir si elle a rempli ou non son objectif premier : réduire l’exposition de la population et de l’environnement aux perturbateurs endocriniens.
Pourtant, les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances chimiques qui, « en déréglant la fonction hormonale des organismes vivants, peuvent affecter la santé humaine (cancers, troubles du neurodéveloppement, infertilité…), parfois sur plusieurs générations. Les PE ont également un impact sur la santé des écosystèmes (faune, biodiversité…) », est-il résumé.
Santé reproductive, la grande perdante
Plus précisément, parmi les pathologies et effets sanitaires pour lesquels le niveau de preuve est considéré comme suffisant, sont listés de nombreux troubles de la santé reproductive : endométriose, cryptorchidies, altération de la qualité du sperme, fibrome utérin, hypospadias, sex-ratio et issues défavorables de grossesse. « Figurent également dans cette catégorie les troubles du comportement et les troubles cognitifs chez l’enfant, la diminution des points de QI, l’asthme, le cancer du sein et le cancer de la prostate, les lymphomes et leucémies chez l’enfant et les maladies thyroïdiennes auto-immunes », lit-on.
Pour d’autres pathologies, le niveau de preuve est moins élevé et le lien avec une exposition aux PE est considéré comme seulement plausible. Il s’agit, là encore, de troubles de la santé reproductive (puberté précoce, diminution de la fécondité, infertilité) et de plusieurs cancers (ovaires, endomètre, testicule). On trouve également dans cette catégorie des troubles métaboliques (diabète de type 2, obésité), des troubles neurocomportementaux (troubles relationnel et émotionnel, trouble du déficit de l’attention, troubles du spectre autistique…), la paralysie cérébrale, des allergies et les troubles hématopoïétiques.
Des objectifs restreints mais ciblés, suivis et financés
Des effets comparables sont observés dans la faune. Citons par exemple la féminisation du goéland ou de poissons, le développement d’organes génitaux mâles chez des femelles de gastropodes marins, l’hermaphrodisme chez le béluga, la diminution du taux de testostérone chez la grenouille et l’ours polaire, la cryptorchidie chez la panthère, etc.
« Compte tenu des risques les PE sur la santé humaine et celle des écosystèmes, la mission recommande de poursuivre les efforts engagés depuis dix ans », lit-on. Mais une troisième stratégie n’a de sens qu’« à condition d’en revoir profondément la gouvernance, le format et le contenu ». À commencer par un objectif ambitieux pour les quinze prochaines années : « Zéro exposition aux PE ». Le portage politique doit s’affirmer « au plus haut niveau » avec une coordination interministérielle renforcée. Pour être pleinement efficace, la stratégie soit être assortie de plans d’actions quinquennaux, « ciblés sur un nombre restreint d’objectifs » (la deuxième en comportait une cinquantaine) et dotés d’un budget spécifique.
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