Du 19 au 28 septembre, une unité mobile d’ophtalmologie s’est rendue auprès de publics précaires à Marseille. Des quartiers Nord au centre-ville à Belsunce, près de la Porte d’Aix, plus de 500 personnes ont bénéficié de soins gratuits. L’opération a été montée par Banlieues Santé et la fondation OneSight du groupe Essilor. Cette première marseillaise confirme l’ampleur des besoins et la pertinence de modèles innovants d’accès aux soins.
« Je suis très contente de mes lunettes, j’ai même choisi la couleur ! », lance, rayonnante, Meriem, 8 ans. « C’est la maîtresse qui nous a dit que notre petite-fille avait besoin de lunettes, elle clignait des yeux en permanence, les plissait beaucoup pour essayer de voir », explique son grand-père. « Cette fillette souffrait d’une hypermétropie non corrigée », explique le médecin ophtalmologue Luigi Colella. À l’issue du parcours proposé, l’enfant ressort avec des lunettes, qui lui ont été offertes, parfaitement adaptées à sa vue.
Une file de gens attend patiemment près du bus ophtalmologique qui permet de réaliser tous les examens réalisés en cabinet classique de ville. Le médecin enchaîne les consultations de 9 heures à 18 heures. Sur le perron, les arrivants sont accueillis par les bénévoles de Banlieues Santé qui les invitent à s’installer, boire un café ou un jus. Les enfants s’égayent autour de petites tables sur lesquelles trônent crayons de couleurs et papier, avec des jeux mis à leur disposition.
Un accueil convivial qui favorise l’entrée dans le soin
« Cet accueil et cette convivialité sont essentiels, ils font partie intégrante de l’entrée dans le soin, affirme Yassine Ennomany, directeur de Banlieues Santé. Les inégalités sociales et de santé se renforcent mutuellement, pour agir sur les inégalités d’accès aux soins, il faut accompagner les gens dans une approche globale tenant compte de toutes leurs difficultés. »
Les premiers tests de vision sont réalisés à l’abri des regards, derrière un paravent. « On a des outils adaptés à tous nos publics, comme ce tableau de Snellen, qui avec ses motifs géométriques, est universel », explique Pascale Mutel, responsable de projets OneSight.
Publics éloignés des soins
Plus loin, autoréfractomètre, tonomètre et frontofocomètre permettent de mesurer la correction de l’œil, sa tension, et de vérifier la correction des lunettes éventuellement portées. S’il faut un fond de l’œil en complément, il est réalisé dans une salle dédiée, au milieu des baby-foots de l’espace Coco Velten. « On effectue un premier tri, pour savoir qui a besoin d’une consultation avec le médecin dans l’unité mobile, explique Pascale Mutel. Environ 90 % des gens avaient un défaut visuel et ont été équipés, contre 70 % en moyenne sur ces opérations. »
« La différence avec les patients en cabinet classique, c’est la possibilité d’une prise en charge pérenne, explique le Dr Colella, engagé depuis deux ans avec OneSight. Notre mission ici est de repérer des problèmes de réfraction - myopie, astigmatisme, hypermétropie ou presbytie - que l’on peut résoudre avec des lunettes. Mais je repère aussi d’autres pathologies comme des glaucomes, des rétinopathies diabétiques ou des cataractes. Dans ce cas, j’adresse ces patients à des confrères dans des centres partenaires, dont le Cosem et l’AP-HM à Marseille. »
« On offre des lunettes ready to clip aux adultes et aux enfants qui en ont besoin, explique Gilles Quesnel, responsable OneSight France. Chacun choisit sa monture, on clip les verres correctifs adaptés dessus et ils repartent avec. Quand il y a des problèmes d’astigmatisme, on livre les lunettes 5 semaines plus tard à Banlieues Santé qui en assure la distribution. » Une ribambelle d’enfants, sans problème de vision, se promènent très fiers avec des lunettes de soleil. « C’est une excellente occasion de sensibiliser à la protection solaire », souligne Gilles.
Pérenniser les dispositifs
« Je ne crois pas que l’on puisse assurer un suivi qui soit véritablement correct avec des opérations seulement temporaires, reconnaît le Dr Luigi Calello. On peut certes intervenir l’année d’après, essayer de revoir les gens, mais c’est vraiment mieux qu’ils puissent avoir leur centre de référence, sur le modèle de ce que nous avons fait en région parisienne ». Selon le spécialiste, c’est la condition pour assurer un véritable suivi auprès des plus précaires.
« Nous sommes heureux du nombre de personnes qui sont venues grâce au maillage réalisé en amont avec nos dizaines d’associations partenaires, souvent de petites structures, qui ont informé leurs bénéficiaires au plus près, sur les marchés ou lors de remises de colis alimentaires, se réjouit le responsable de Banlieues Santé. En aval, nous gérons l’ouverture de droits AMU ou CMU quand c’est nécessaire et nous orientons ces patients, qui n’ont évidemment pas de complémentaire, vers des circuits de soins qui assureront le suivi. »
Banlieues Santé espère créer une permanence d'accès aux soins de santé ophtalmologique (Pass-O) à Marseille, qui mutualiserait les expertises médicales et associatives. « Les consultations ophtalmologiques sont, avec les consultations dentaires, les premiers soins auxquels renoncent les personnes en situation de précarité, rappelle Yassine Ennomany. Si on veut lutter efficacement contre les inégalités sociales et d’accès à la santé, il faut se donner les moyens d’aller chercher les populations où elles se trouvent et leur proposer des soins et un suivi régulier complet. »
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