Quinze mille enfants exposés au cours de la grossesse auraient été victimes des effets secondaires de la Dépakine® en quarante-huit ans, selon une enquête menée par l’épidémiologiste Catherine Hill et rapportée par le journal Les Echos du 12 septembre. Il s’agit d’une première étude avant les résultats d’une enquête officielle communiquée dans les prochaines semaines. Douze mille enfants présenteraient des troubles neurologiques et 3 000 des malformations. Ce chiffre est le résultat d’une estimation établie à partir des données validées par la communauté scientifique. On estime à 10 % le risque des malformations à la naissance et les troubles neurologiques à 40 %. Dans un entretien donné le même jour au quotidien économique, Catherine Hill dresse un tableau très sévère de la pharmacovigilance en France : « La pharmacovigilance ne fonctionne pas. […] On élimine à tort des notifications spontanées, réalisées par les médecins sur le terrain, sous prétexte qu’il manque des informations ou bien plus grave, sous prétexte que l’on ne se sait pas imputer des dégâts observés à l’exposition rapportée. » Et de citer les cas où des dossiers sont éliminés parce que le patient a consommé simultanément plusieurs médicaments. Autre exemple, des études ne sont pas retenues du fait d’un nombre limité d’inclusions.
Dépakine égale indemnisation
La Dépakine® est-elle pour autant la seule responsable dans la survenue des troubles neurologiques ? Doit-on également rechercher des facteurs génétiques ? Catherine Hill balaie d’un revers de main ces arguments. Selon la chercheuse, toutes les pathologies dont l’incidence est augmentée sous Dépakine® doivent faire l’objet d’une indemnisation. Le risque de spina-bifida est multiplié par dix, les malformations par au moins trois sous valproate. « Il est inutile de rechercher d’autres causes », affirme-t-elle.
Mais si la Dépakine® est reconnue coupable, Sanofi qui a commercialisé ce médicament est-il le seul responsable ? Le laboratoire avait pourtant signalé le risque à plusieurs reprises à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Sans toutefois que des mesures soient prises en urgence par les autorités sanitaires.
Sanofi n’a rien voulu cacher
L’annonce par Marisol Touraine d’une indemnisation par l’Etat répond à cette complexité. Il n’y a pas eu ici volonté du laboratoire de dissimuler des informations. Quant à la proposition de Gérard Bapt, rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale, de créer un nouveau fonds dont les recettes seraient assurées par une taxe sur les produits de santé, elle n’a pas été retenue à ce jour par Marisol Touraine. « Il ne serait pas juste ni très moral », a estimé la ministre de demander une contribution aux autres laboratoires.
Quid de la responsabilité des médecins ?
Au-delà du laboratoire, faut-il également retenir la responsabilité des médecins qui ont continué les prescriptions alors que le danger était connu ? Les ventes de Dépakine® ont en effet très peu fléchi au cours de ces années. Onze millions de boîtes ont été vendues en 2005, 10 millions en 2015. Peut-on exempter toute implication des pharmaciens qui ont délivré de la Dépakine® chez les femmes enceintes ? Faut-il ouvrir la boîte de Pandore avec des conséquences qui ne peuvent être évaluées à ce jour pour tous les professionnels de santé ?
Michel Pivon
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