Avant de voir le dossier médical partagé (DMP) se généraliser dans les hôpitaux et les cabinets libéraux, l'outil devra se perfectionner. Interrogés par la mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (MECSS), les syndicats de médecins libéraux et hospitaliers ont relayé les difficultés dans l'usage de ce carnet de santé numérique.
Objet, depuis novembre 2018, d'une nouvelle campagne de déploiement pilotée par l'assurance-maladie − qui a hérité du bébé en 2014 − le DMP peine toujours à s'imposer dans la pratique quotidienne. Car si Nicolas Revel, patron de la CNAM, voit dans les sept millions de DMP ouverts une « dynamique positive », l'appropriation reste plus incertaine que la notoriété. Le gouvernement a fixé à la CNAM l'objectif de 40 millions de DMP ouverts d'ici 2022... Encore faut-il les alimenter. Selon l'assurance-maladie, 45 % des généralistes consultent le DMP et 20 % y ajoutent des documents.
Premier frein ? Le manque d'ergonomie de l'outil et de lisibilité. « On met un temps fou pour accéder à une information », peste le Dr Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). « Le DMP aujourd'hui est un sac », tacle le Dr Jean-Paul Hamon, patron de la Fédération des médecins de France (FMF). Tous appellent de leurs vœux une meilleure indexation des pièces compilées permettant par exemple de distinguer facilement les résultats d'analyses des comptes rendus d'hospitalisation.
La clé du volet de synthèse
Le document auquel les médecins attachent le plus d'importance est le volet de synthèse médicale (VSM). Sans lui, le DMP est « impossible à utiliser », assure le Dr Xavier Gouyou-Beauchamps, secrétaire général de l’Union des chirurgiens de France (UCDF). Ce document d'une page, à la charge des généralistes, est particulièrement utile dans le suivi des ALD ou des personnes âgées. « Mais cela prend beaucoup de temps à faire, notamment pour les personnes les plus fragiles pour lesquelles il est le plus utile », témoigne le Dr Jean-Pierre Peigné (CSMF).
Absent lors de l'audition, MG France dénonce un outil « asymétrique », alimenté par le médecin traitant mais sans bénéfice direct pour lui. « Il n'est pas possible que le généraliste soit fournisseur, et les autres intervenants utilisateurs. Le généraliste ne sera pas le greffier de cette grande bibliothèque de documents », explique le Dr Jacques Battistoni.
À l'unanimité, les syndicats réclament une rémunération spécifique pour chaque volet de synthèse. Depuis 2018, le forfait patientèle médecin traitant (FPMT) a intégré la valorisation de cette synthèse médicale (incluse auparavant dans la ROSP). Insuffisant aux yeux de la profession.
Protéger les infos
Également interrogés, les syndicats de praticiens hospitaliers s'inquiètent principalement de la sécurité du stockage des données. « La confidentialité n'est absolument pas garantie », accuse le Pr Bertrand Diquet, vice-président de l'INPH. S'ils ne remettent pas en cause la logique de l'outil et son bénéfice pour les patients, les praticiens exigent des garanties. « Le partage est bénéfique à condition de protéger les informations et donc le patient », résume aussi le Dr Jean-François Cibien, vice-président de SAMU-Urgences de France (SUDF). Le Dr Raphaël Cohen (Jeunes Médecins) propose même de confier le pilotage du DMP à un organe non-étatique. « Ce sont aux médecins et uniquement à eux de garantir la confidentialité et l'anonymat des dossiers », affirme-t-il, suggérant une reprise en main par... l'Ordre « garant de la déontologie médicale ».
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