LE QUOTIDIEN – Quelle lecture faites-vous de la liste publiée lundi par l’AFSSAPS de 77 médicaments sous surveillance ?
CLAUDE LE PEN – Je suis très surpris par cette publication qui mélange plusieurs types de produits. Certains sont importants, voire essentiels, comme le Prevenar ou le Gardasil, c’est-à-dire des produits récents avec un service rendu incontestable. Mais d’autres sont moins incontestables, ce qui rend cette liste très hétérogène. De plus, je trouve bizarre de prendre pour critère d’inclusion dans la liste un plan de gestion des risques (PGR). En effet, depuis 2005, ces plans sont presque automatiquement inclus dans les AMM européennes : presque tous les produits récents ont un plan de gestion des risques. Mais cela ne signifie pas que le produit est dangereux. C’est comme si on disait que les voitures sont dangereuses puisqu’elles disposent de ceintures de sécurité. Il y a des PGR qui ne consistent qu’en un suivi de pharmacovigilance normal, ce qui signifie que tout est normal. L’existence d’un PGR en soi, indépendamment de son contenu, est peu significative. Disons qu’il est bizarre d’inclure dans cette liste des médicaments qui font tout simplement l’objet d’un suivi pharmacologique normal.
De plus, l’existence de liste signifie-t-elle que les autres médicaments ne sont pas à surveiller, qu’ils sont moins dangereux ? Pourquoi pointe-t-on du doigt ces 77 médicaments ? On pourrait facilement trouver des médicaments, qui ne sont pas dans la liste, mais qui néanmoins ne doivent pas être consommés n’importe comment. Aucun médicament n’est à l’abri. Je ne vois pas très bien pourquoi, en dehors de ceux qui vont être retirés du marché, ces médicaments sont montrés du doigt, ce n’est pas clair.
Enfin, la dernière question que soulève cette liste, c’est à quoi sert-elle, que va en faire un patient qui la découvre dans son journal et qui est sous traitement ? On veut lui faire peur ? Il va arrêter son traitement ? À quoi sert à un patient de savoir que son médicament est sous surveillance ?
L’hypothèse est émise que les autorités de santé, parfois accusées de laxisme, ont voulu se protéger..
C’est LA réponse. C’est une liste qui sert plus à montrer à l’opinion publique qu’on agit, qu’à protéger réellement. C’est plus un élément de communication qu’un outil de santé publique. Mais en voulant montrer que les choses sont « under control », on risque de rendre extrêmement compliquée la pédagogie du médicament. On risque de faire peur aux patients sur certains médicaments et pas sur d’autres, alors qu’en France on manque de pédagogie dans ce domaine. Je trouve ces effets d’annonce et d’affolement des populations un peu inquiétants.
Cette liste inquiète aussi les médecins dont beaucoup semblent désemparés. N’aurait-il pas mieux valu commencer par la leur communiquer plutôt que de la rendre publique ?
Je crains en effet qu’à un an d’intervalle, on ne recommence l’erreur de la vaccination grippale. Dans cette affaire, on a eu tort d’exclure les médecins et de leur passer au-dessus en envoyant les Français dans les centres de vaccination. Cette fois-ci, les médecins ont découvert comme les Français la liste de l’AFSSAPS dans les journaux, or ils sont prescripteurs de ces médicaments. Ces médicaments ne sont pas anodins, il y a des antidiabétiques, des vaccins contre le cancer du col etc. Il aurait donc été bienvenu, 15 jours ou un mois avant, de faire une communication réservée aux médecins, quitte ensuite à rendre la liste publique.
Une communication sur le médicament est-elle possible dans ce contexte de crise de confiance ?
Il va d’abord falloir reconstruire une relation de confiance entre les patients et les médicaments, entre les patients et les médecins prescripteurs, entre l’industrie du médicament et les Français, et entre cette même industrie et les tutelles. On peut imaginer aujourd’hui que des experts décident de juger négativement tout médicament pour ne pas être accusés de complaisance à l’égard d’un industriel. Il faut donc que les experts soient sereins, il faut qu’on retrouve une sérénité. Ca ne veut pas dire qu’il faut nier ou minimiser les problèmes, mais il faut bien que les médecins puissent soigner, et que les patients soient pris en charge. Il ne faut plus qu’on en arrive à cette hystérie qui est préjudiciable à tout le monde.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation