LE QUOTIDIEN – Êtes-vous surpris par la non-recevabilité de la majorité des dossiers dans l’affaire Mediator ?
Pr ATUL PATHAK – C’était prévisible. À Toulouse, nous avons mis en place une consultation « Mediator » il y a deux ans et nous avons vu environ 400 patients. Le recrutement était très varié puisque les patients avaient été alertés soit par une lettre des autorités de santé, soit par la presse, ou encore adressés par leur soignant. Dans notre expérience, la présence d’une valvulopathie sous Mediator reste faible. Mais le problème de bon nombre de dossiers est la temporalité. Si on veut établir une relation de causalité entre un médicament et la survenue d’un effet indésirable, on doit rassembler plusieurs critères : sémiologique, bibliographique et chronologique. Par conséquent, quand on découvre une anomalie valvulaire chez un patient exposé au Mediator, le premier réflexe est de définir quand a débuté l’exposition et de savoir si l’anomalie valvulaire préexistait et, dans ce cas, si elle a été documentée. C’est là où le bât blesse. Chez ces patients plutôt jeunes, il n’y avait aucune raison à l’époque de pratiquer une échographie valvulaire avant l’introduction du Mediator. Le critère chronologique qui permet de dire que l’événement indésirable était absent avant l’exposition et présent après l’exposition, et d’établir une relation de causalité, est manquant.
Le taux élevé de dossiers écartés ne me choque pas du tout dans la mesure où, sur notre série, la grande majorité des patients n’avaient pas cette échocardiographie qui précède l’exposition médicamenteuse. Les patients n’étaient alors cliniquement pas redevable d’investigations cardiologiques.
Est-ce que la prévalence et l’incidence des anomalies valvulaires décrites peuvent pallier ces manques ?
Non, absolument pas. Si on estime, par exemple, que la prévalence des fuites mitrales est de 1 % dans la population tout venant, et qu’elle augmente en cas d’exposition au Mediator, il n’est pas possible de transférer ces données populationnelles à l’échelon individuel.
Les lésions échographiques ne permettent-elles pas à elles seules de mettre en cause le médicament ?
Effectivement, il y a des lésions valvulaires assez caricaturales que l’on retrouve aussi dans les valvulopathies des syndromes carcinoïdes. Il y a donc un faisceau d’arguments morphologiques qui fait pencher la réponse en faveur ou défaveur de valvulopathies médicamenteuses. Mais le problème est plus complexe : il vient du fait que la caractérisation des valvulopathies liées au Mediator repose sur une stratégie scientifique qui est biaisée. En effet, la sémiologie de ces valvulopathies repose sur des cas rapportés qui servent de référence. Ainsi, à ce jour, on considère que ces valvulopathies sont plutôt de type « insuffisance ». Cela est en adéquation avec les données expérimentales. Mais il suffit qu’un investigateur rapporte une série de cas de valvulopathie sténosante sous benfluorex pour que les critères diagnostiques changent.
Les coprescriptions de médicaments, notamment sérotoninergiques, viennent-elles aussi compliquer l’imputabilité ?
Si vous « creusez » les cas, vous trouvez d’autres prescriptions de médicaments qui ont des effets sérotoninergiques et qui provoquent eux aussi des valvulopathies. C’est aussi une donnée qui fait perdre de la puissance au dossier. Le « dossier idéal », c’est une personne qui est cliniquement bien avant l’exposition au Mediator, dont la situation clinique se détériore, et chez qui on possède deux échographies, l’une avant l’exposition, l’autre après, et qui, de plus, se souvient bien de la posologie, de la chronologie des faits. Dans notre expérience, ce cas est rarissime.
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