« SERVICE MEDICAL RENDU faible des médicaments de la maladie d’Alzheimer ». La sentence est tombée fin octobre 2011 après réévaluation de quatre médicaments* par la Commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS). Un fort battage médiatique s’en est suivi et une révision de la recommandation pour le diagnostic et la prise en charge de la maladie est parue en décembre. Reste que tout n’est pas sombre aujourd’hui.
Le Pr Bernard Laurent, globalement d’accord avec la Commission pour dire que « le bénéfice des traitements médicamenteux est faible sur la cognition, le fonctionnement global et la vie quotidienne des patients par rapport au placebo à 6 mois », tient cependant à souligner que l’existence même de ces médicaments, par l’immense espoir qu’ils ont suscité, a stimulé les investissements de la recherche. « Et, précise-t-il, si une stabilisation ou un ralentissement du déclin cognitif est observé sans effet indésirable, la poursuite à 6 mois me paraît également être une bonne option. En revanche, une concertation entre médecin généraliste, gériatre, neurologue ou psychiatre au bout d’un an relève de l’utopie. A mon avis, il faut que ce soit le médecin impliqué dans la gestion du patient qui prenne la décision. »
Retarder l’institutionnalisation.
Quant à l’avis de la Commission de la transparence mentionnant que « les données sur les critères de santé publique tels que le retard à l’entrée en institution, […], sont insuffisantes pour conclure à un impact favorable », le Pr Laurent admet le manque de données sur le sujet mais rappelle l’étude de O. L. Lopez (1). Ce travail prospectif observationnel ayant porté sur 943 patients montre un retard manifeste d’institutionnalisation des patients sous traitement après 7 ans et demi d’évolution. Il existe un rapport de 1 à 2 pour les patients traités par mémantine et antocholinestérasique comparativement aux patients sous anticholinestérasique seul et de 1 à 3 comparativement à ceux qui ne sont pas traités (figure 1). En outre, si la HAS considère que « ces traitements ne semblent pas avoir d’effet sur la mortalité », le Pr Laurent estime que cette assertion est fausse, faisant remarquer que l’observation de la cohorte PAQUID met en évidence, notamment, une moyenne de survie de 5,62 ans pour les patients non traités contre 6,11 ans pour les patients traités.
L’étude DOMINO.
L’étude de R. Howard (3), qui n’était pas encore parue fin 2011 au moment de la révision de la recommandation, pose une question essentielle concernant la poursuite du traitement chez des patients présentant une démence sévère. Cette étude multicentrique randomisée en double aveugle contre placebo a inclus 295 patients ayant une maladie d’Alzheimer sévère (MMS entre 5 et 13) qui avaient reçu pendant trois mois 10 mg/j de donépézil et chez lesquels l’aidant, le médecin généraliste ou le spécialiste n’avait constaté aucune amélioration. Au bout de ces trois mois, les patients ont été répartis en plusieurs groupes : arrêt du médicament et placebo, donépézil (Aricept) poursuivi seul, mémantine (Ebixa) seule et association donépézil-mémantine. L’observation a duré 12 mois à l’issue desquels la cognition a été évaluée par le MMS et les activités de la vie quotidienne par l’échelle BADLS. Les symptômes non cognitifs de démence ont également été quantifiés (notamment les troubles du comportement par le Neuropsychiatric Inventory [NPI]).
Les résultats ont montré que le donépézil et la mémantine apportent des bénéfices cognitifs et fonctionnels par rapport au placebo, mais qu’il ne sert à rien d’associer les deux médicaments. Le bénéfice cognitif a été de 32 % si le donépézil était poursuivi après 3 mois et de 20 % si un traitement par la mémantine était débuté. Quant au bénéfice fonctionnel, il a été de l’ordre de 23 % si le donépézil était poursuivi et de 23 % si la mémantine était initiée. Il faut noter également que la mise en route de la mémantine et de l’association donézépil-mémantine ont eu un impact significatif sur les symptômes non cognitifs NPI. « Il est évident que ces résultats ne sont pas négligeables et qu’ils ont un impact sur l’autonomie et le placement en institution », constate le Pr Laurent.
Enfin, il n’y a pas eu de différence de tolérance entre les groupes, ce qui confirme qu’il n’y a pas d’augmentation du risque de décès.
Ethique.
On sait qu’il se déroule environ 10 ans entre la présence de marqueurs biologiques et la plainte. L’événement le plus précoce est le dépôt de protéines amyloïdes visible sur le PET-Scan avec des marqueurs tel l’AV-45. La baisse du petide ß-amyloïde 1-42 dans le LCR est également très précoce. Faut-il faire subir ces examens aux sujets à risque (notamment aux personnes ayant deux ascendants atteints de la maladie) ? D’autant que la TEP au PIB fluoré va devenir un examen simple et que si on veut observer une certaine efficacité des médicaments antidégénératifs, il faudra probablement les prescrire dès le début des dépôts amyloïdes. L’ApoE, dont le génotype 4-4 multiplie le risque par 30 à 75 ans, ne fait qu’ajouter une question de plus.
Espoirs.
Reste les espoirs portés par des modèles expérimentaux, tels le bexacarotène, anticancéreux qui restaure les fonctions cérébrales de souris génétiquement modifiées en faisant disparaître 75 % des plaques amyloïdes (4), et le FKBP52, qui intervient sur la taupathie et qui a récemment fait l’objet d’une publication par l’équipe française du Pr Étienne-Émile Baulieu (5).
D’après un entretien avec le Pr Bernard Laurent, CHU de Saint-Etienne.
* Etaient concernés le donépézil (Aricept), la rivastigmine (Exelon), la galantamine (Réminyl) et la mémantine (Ebixa).
(1) Lopez OL et coll. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2009;80:600-607.
(2) PAQUID. Rapport d’analyse 2011
(3) Howard R et coll. Donepezil and memantine for Moderate to Severe Alzheimer’s Disease. N Engl J Med 2012;366:893-903.
(4) Cramer PE, et coll. Science 2012;335(6075):1503-6.
(5) Chambraud B et coll. A role for FKBP52 in Tau protein function Proc Natl Acad Sci USA 2010 107(6):2658-63.
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