PAR UN COLLECTIF D’EXPERTS DU GROUPE ALZHEIMER*
EN 2009, L’ASSOCIATION FORMINDEP a demandé l’annulation de deux recommandations « emblématiques » de la Haute Autorité de Santé (HAS), au motif que les règles de conflits d’intérêt n’étaient pas respectées : celle sur la prise en charge du diabète de type 2 et celle sur le diagnostic et la prise en charge de la maladie d’Alzheimer (MA) et des maladies apparentées. Devant le refus d’annulation de la HAS, elle a déposé un recours auprès du Conseil d’État. Toutes les déclarations d’intérêt des membres du groupe de travail « Diabète » n’ayant pu être produites, le Conseil d’État, statuant sur la forme et non sur le fond, n’a pu que constater que les éléments pour statuer sur l’existence ou non de conflits d’intérêt n’étaient pas réunis, forçant la HAS à retirer sa recommandation sur le diabète le6 mai.
Cela n’était pas le cas pour la recommandation sur la MA, publiée en 2008, et pour laquelle toutes les déclarations étaient produites. Mais justement, FORMINDEP affirmait que les recommandations étaient « entachées de conflits d’intérêts » puisque « notamment le président du groupe de travail avait des liens d’intérêt permanents et forts avec l’industrie thérapeutique ».
La présidente du groupe, proposée par la Société française de neurologie (SFN) à l’origine de la demande de la recommandation, et désignée par la HAS, a la responsabilité d’un centre qui a des liens avec tous les laboratoires développant des médicaments contre la MA ou les maladies apparentées, puisqu’il participe aux essais innovants de molécules en développement, sans bénéfice individuel pour aucun des médecins, et dans le respect des bonnes pratiques cliniques. Elle participe, si elle est sollicitée, aux comités scientifiques des laboratoires pour que les protocoles soient réalistes et utiles, ou pour apporter son expertise sur les critères de jugement.
Les participants de ce travail de recommandation, débuté en 2006, ont été choisis par 12 sociétés savantes et jamais la HAS, bien au courant de l’investissement de nombre d’entre eux dans la recherche clinique, n’a opposé l’ambiguïté entre « liens » et « conflits » d’intérêt. S’il avait été dit que de tels liens risquaient de discréditer leur travail mené sur plus de deux ans, ils n’auraient jamais accepté de s’y consacrer. En outre, tous ont déclaré scrupuleusement leurs collaborations scientifiques avec les départements « recherche et développement » (indépendants des départements « marketing ») des firmes, s’exposant à la suspicion de collusion, l’amalgame étant malheureusement fréquent.
Procès d’intention.
Ce procès d’intention paraît d’autant plus inexplicable que les recommandations sont loin d’être centrées sur les traitements pharmacologiques, qui n’occupent qu’un chapitre sur les 10 (1,5 page sur les 23) qu’elles comptent, l’essentiel étant la démarche diagnostique, l’annonce, le plan de soin et d’aides, la gestion des événements pouvant émailler l’évolution, les interventions non médicamenteuses, le soutien des aidants familiaux et professionnels et les modalités de suivi pluridisciplinaire. Surtout, le groupe n’a pas eu à discuter des traitements pharmacologiques, la rédaction du chapitre étant contrôlée par la Commission de Transparence, indépendante des experts.
Les experts ne comprennent pas que FORMINDEP n’ait pas demandé le seul retrait du chapitre concernant le traitement pharmacologique (la révision de l’avis de la commission de transparence est prévue) et a fortiori que la HAS en retirant brutalement de sa propre initiative l’ensemble de la recommandation anéantisse l’énorme travail de consensus établi dans le respect de la diversité des membres des groupes de travail et de lecture (2,5 ans de travail, plus de 50 personnes représentant 12 sociétés savantes et associations professionnelles et d’usagers) pour améliorer la prise en charge des patients et leur famille et orienter les professionnels. Nous nous retrouvons donc, 5 ans après le début de nos travaux, sans recommandation professionnelle concernant la MA, qui fait pourtant l’objet d’un plan national. Où est le bénéfice pour le malade et ceux qui les soignent ?
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