Dans l’édition du jeudi 19 septembre, j’ai lu avec stupéfaction une tribune intitulée « couper les ponts entre l’industrie et la formation initiale : oui mais à quel prix ? ». Le texte revient sur un amendement adopté cet été dans la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé qui interdit désormais aux laboratoires pharmaceutiques d’offrir « l’hospitalité » aux étudiants en formation initiale.
Sous le beau terme d’hospitalité se cache en réalité une stratégie d’influence et des pratiques de manipulation patiemment mûries par l’industrie visant à rendre les jeunes professionnels redevables, sous couvert, le plus souvent, de formation professionnelle.
En jouant sur ce biais cognitif naturel bien décrit [1], les laboratoires installent leur présence auprès des médecins, au prix de cadeaux (repas, réunions, voire frais de congrès nationaux ou internationaux). Ce mécanisme est d’autant plus pernicieux qu’il s’opère à l’insu du médecin et sans qu’il en ait conscience. Ainsi, dans une étude menée en France, près de deux tiers des étudiants pensent être en mesure de repérer un conflit d’intérêts, mais une grande majorité échouent à le faire dans de nombreuses situations [2] (cadeau, repas, conférence…). Dans cette même étude, seuls 3,7 % des étudiants en troisième cycle pensent qu’avoir reçu un cadeau va influencer leurs futures prescriptions. Cet impact est pourtant connu depuis de nombreuses années que ce soit au travers de cadeaux importants (congrès tous frais payés) [3] ou plus modestes.
Ce durcissement législatif est donc le bienvenu car il mettra fin à une activité en pleine expansion : les « clubs jeunes médecins ». Organisées dans plusieurs villes par des laboratoires, ces réunions d’étudiants, de remplaçants et de jeunes installés se déroulent en soirée autour d’une thématique professionnelle, le tout dans un hôtel luxueux proposant un buffet copieux. Si le ressort utilisé est le même, il s’appuie ici en plus sur l’aspect convivial et le plaisir de se rencontrer entre pairs.
Pourtant, s’informer et se former en toute indépendance est possible. La formation professionnelle indemnisée agréée par l’agence nationale du développement professionnel continu en est un exemple, mais elle reste malheureusement inaccessible aux étudiants en formation initiale. Une mesure simple consisterait à autoriser les étudiants à y participer. Le rôle des maîtres de stage est également primordial : certains proposent déjà à leur étudiant de participer à des temps de formation médicale ou de lire des revues scientifiques indépendantes. Il semble en revanche indispensable que ces bonnes pratiques se généralisent et que les facultés mettent enfin en application, notamment au travers de formations à l’indépendance, la charte éthique et déontologique qu’elles ont signée.
À l’heure de l’ouverture du procès du Mediator, il est plus que jamais indispensable de couper les ponts avec l’industrie pharmaceutique. Cela rendra service à notre profession et à nos patients.
[1] Sah S, Fugh-Berman A (2013) Physicians under the influence : social psychology and industry marketing strategies. Journal of Law, Medecine and ethics, 41(3) ; 665-672 [2] Etain B, Guittet L, Weiss N, Gajdos V, Katsahian S (2014) Attitudes of medical students towards conflict of interest: a national survey in France. PLoS One 9(3) ; e92858
[3] Orlowski JP, Wateska L (1992) The effects of pharmaceutical firm enticements on physician prescribing patterns. There’s no such thing as a free lunch. Chest 102 ; 270-273
Autisme : la musique serait neuroprotectrice chez les prématurés
Apnée du sommeil de l’enfant : faut-il réélargir les indications de l’adénotonsillectomie ?
Endométriose : le ministère de la Santé annonce une extension de l’Endotest et un projet pilote pour la prévention
Le traitement des IST virales et parasitaires évolue