Tantôt agacé, tantôt évasif, parfois « prolixe » ou fuyant ses « responsabilités », l'ancien directeur général délégué du groupe Orpea Jean-Claude Brdenk a défendu la gestion des Ehpad de la multinationale devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Dépeint dans le livre « Les Fossoyeurs » du journaliste Victor Castanet comme le « cost killer » et « l'exécutant zélé » du système Orpea, le responsable de l'exploitation et du développement du groupe de maisons de retraite médicalisées à but lucratif entre 1997 et 2020 a répondu aux questions des députés.
Interrogé sur la falsification de contrats, la maltraitance de résidents ou encore l'existence de marges arrières auprès de certains fournisseurs, tous évoqués dans l'ouvrage, Jean-Claude Brdenk a réfuté ces allégations en bloc, parlant de « contre-vérités », ou les a éludées, renvoyant à d'autres interlocuteurs.
Appel au discernement
« Nous avons été les premiers à mettre en place un programme de prévention de la maltraitance, a plaidé Jean-Claude Brdenk, mentionnant les résultats positifs de contrôles diligentés par les autorités de santé. Alors qu'à l'époque (fin des années 1990), on ne parlait pas de bientraitance, nous avons mis en place une obligation de moyens humains, techniques, qui a été sans cesse rappelée aux directeurs. »
Appelant les députés à faire preuve « d'un peu de discernement », il a ensuite rappelé que selon l'ARS Île-de-France (dont la directrice était interrogée la semaine précédente) « 16 visites ont été réalisées sur 14 établissements Orpea d'Île-de-France entre 2011 et 2019 » et il n'y a pas eu « de surmortalité ou d'actes de maltraitance constatés, ni de mises sous tutelle ou de fermetures d'établissement ».
Concernant justement les contrôles et inspections dans les Ehpad, Élodie Marchat, la directrice générale du pôle solidarité du conseil départemental des Hauts-de-Seine (qui compte 11 Ehpad Orpea, dont celui des Bords de Seine, le plus luxueux), avait souligné, un peu plus tôt dans la journée, les « limites d'un système » avec « des failles » et des « moyens de contrôles insuffisants » pour déceler de potentielles techniques internationales de fraude. Les données comptables dont disposait sa collectivité ne permettaient pas de repérer des anomalies et, aux Bords de Seine, le montant des dépenses était « conforme au taux d'occupation ».
« Je ne pilotais pas les ratios d'infirmières »
« J'ai noté 44 points qui sont totalement faux dans le livre, a objecté Jean-Claude Brdenk. (...) Les faits sont graves si toutefois ils sont avérés, mais je n'ai jamais tenu le genre de propos [rapportés dans le livre], c'est de la diffamation, c'est dégradant, et cela me laisse perplexe quant à la façon dont le bouquin a été rédigé. »
Le haut responsable d'Orpea a reconnu qu'il y a « probablement eu des anomalies, des erreurs, (...) j'ai probablement été maladroit ». « Mais j'estime avoir été quelqu'un d'intègre, juste et équitable. J'ai mis en place tous les moyens nécessaires au bon fonctionnement des établissements », a-t-il affirmé. « Je ne pilotais pas les ratios d'infirmières, d'aides-soignantes dans tel ou tel pays depuis un ordinateur, c'est ce qui se passe sur le terrain qui compte », a assuré Jean-Claude Brdenk.
Demande de commission d'enquête
Celui qui a quitté la direction d'Orpea en décembre 2020 pour le groupe médical Bastide a aussi justifié ses indemnités de départ de 2,5 millions d'euros brut, votées en assemblée générale du groupe, en les présentant comme conformes aux pratiques en vigueur dans des entreprises cotées en Bourse.
« J'ai eu l'impression à de nombreuses reprises que vous noyiez le poisson », lui a asséné le numéro 2 de LFI, Adrien Quatennens. « De nombreux points sont restés en suspens », a regretté pour sa part la présidente de la commission, Fadila Khattabi (LREM), au bout de trois heures d'audition.
Dans une tribune publiée par « Le Monde », quelque 70 députés, principalement de gauche, des syndicalistes, ainsi que des représentants des collectifs de familles et de personnels, ont « solennellement » demandé la création d'une commission d'enquête à l'Assemblée nationale. « Seule une commission d'enquête parlementaire permettrait d'auditionner immédiatement et sous serment les dirigeants du groupe Orpea (...) et de se faire communiquer tout document qu'elle jugerait utile. De telles garanties interdiraient les réponses floues et imprécises », soulignent les signataires, dont les candidats à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Fabien Roussel (PCF).
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