Née en pleine crise sanitaire, l’idée d’une « Europe de la santé », initiée dès novembre 2020, commence à prendre forme. La Commission européenne a dessiné, ce 16 septembre, les contours d’un nouvel instrument de réponse aux crises sanitaires qui doit être opérationnelle dès début 2022. Baptisé HERA (« Health Emergency Response Authority »), cet outil doit permettre de renforcer la capacité de l'UE à « prévenir, détecter et réagir rapidement aux situations d’urgence sanitaire », en assurant le développement, l'approvisionnement, le stockage et la distribution des traitements et dispositifs médicaux nécessaires.
Confrontée à l’absence de mécanisme adéquat pour répondre à la crise sanitaire, l’UE a lancé l’« incubateur HERA » en pleine pandémie pour proposer un cadre de coopération entre chercheurs, industries pharmaceutiques et autorités publiques. La formalisation du dispositif HERA vient désormais apporter une « réponse structurelle », a plaidé la commissaire à la santé, Stella Kyriakides, lors d’un point presse ce 16 septembre. Pour son homologue au marché intérieur, Thierry Breton, il s’agit de « tirer les leçons de la crise », en réduisant notre « dépendance à des pays tiers » et en instaurant un « dialogue plus ferme et plus structuré avec les industriels ».
Six milliards d’euros sur 6 ans pour « renforcer la coordination »
Concrètement, HERA sera dotée de 6 milliards d’euros sur 6 ans pour « renforcer la coordination » entre les États membres, en lien avec l'industrie pharmaceutique, afin notamment de résoudre les problèmes de pénuries.
Hors période de crise, la structure sera chargée d’évaluer les capacités européennes de production pharmaceutique, de dialoguer avec les industriels, d’orienter les investissements, d’élaborer des « contre-mesures médicales » et d’assurer l’approvisionnement et le stockage des vaccins, traitements, équipements de protection individuelle, tests de diagnostic, etc.
En cas de crise, HERA pourra sonner l’alerte, coordonner les opérations d’urgence, mobiliser des fonds d'urgence, mais aussi solliciter les installations du réseau de production de vaccins et de médicaments « Fab UE » et assurer la distribution auprès des États membres.
« HERA viendra compléter, sans chevauchement », les agences européennes existantes que sont l’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) et l’EMA (Agence européenne du médicament), explique Stella Kyriakides. Parce qu’elle évalue les autorisations de mise sur le marché, l’EMA ne peut pas « avoir de contact avec les industriels » pour négocier les contrats, les achats et la distribution, justifie la commissaire.
Les eurodéputés veulent aussi renforcer l'ECDC et l'EMA
Côté gouvernance, HERA ne sera pas une agence indépendante, mais une structure « au sein de la Commission », pilotée par un conseil réunissant experts de la Commission et représentants des États. Le Parlement européen disposera seulement d'un rôle d’observateur. Une mise de côté des parlementaires que déplore la Dr Véronique Trillet-Lenoir, députée européenne et rapporteure d’un texte législatif sur les menaces sanitaires graves, adopté le 15 septembre par les eurodéputés : « La Commission veut être rapide et pragmatique sans doute, mais elle exclut les parlementaires, la société civile ou les associations de patients, alors que la crise nous a montré que ce qui fonctionne, c’est la coalition des décideurs de santé, des politiques, des industriels et de la société civile », explique-t-elle au « Quotidien ».
Son rapport législatif, qui doit maintenant être discuté avec la Commission et les États, pointe la nécessité de « repérer les besoins, doper la R&D, nouer des partenariats public-privé, stimuler la production pharmaceutique européenne et de constituer des stocks pour éviter des pénuries », détaille-t-elle, souhaitant « tirer les leçons de tous les trous dans la raquette qu’on a vus apparaître pendant la crise ».
Selon les conclusions de son rapport, la création d’une nouvelle entité doit s’accompagner d’un renforcement de l’ECDC et de l’EMA pour « améliorer le repérage épidémiologique, l’échange de données et la coordination des systèmes d’alerte », précise-t-elle, jugeant « intéressant de reproduire ce que les 27 ont réussi à faire avec les vaccins pour l’ensemble des médicaments, notamment en cancérologie », soit « négocier les stocks, et en même temps les prix ».
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes