Un amendement – passé inaperçu – à la dernière loi de financement de la Sécurité sociale suscite une levée de boucliers tardive mais d'envergure de la part des structures jeunes, soutenues par leurs aînés libéraux.
Introduit par le gouvernement, cet amendement automatise, pour les étudiants en médecine non thésés autorisés à pratiquer des remplacements, les règles d'affiliation aux régimes d'assurance-vieillesse et invalidité décès auprès de la CARMF.
À partir du 1er janvier 2018, « les praticiens concernés pourront s’ouvrir des droits retraite comptabilisés dans le même cadre que leur future activité », lit-on dans l'exposé des motifs. Cette affiliation n'était auparavant obligatoire qu'une fois l'internat terminé et la thèse soutenue.
« Les étudiants en médecine non thésés qui effectuent des remplacements ne se constituent pas de droits à la retraite, ce qui est un frein à l’exercice d’une activité de remplacement, avait plaidé Agnès Buzyn lors du débat parlementaire. Cette mesure simplifie la découverte du remplacement en exercice libéral pour les étudiants thésés et non thésés et répond à l’engagement de renforcement de l’offre de soins dans les territoires, inscrit dans le plan pour l’égal accès aux soins du gouvernement. »
Sentiment de racket
Las, cette bonne idée sur le papier (affiliation automatique, octroi de nouveaux droits) revient aujourd'hui comme un boomerang (nouvelle cotisation obligatoire). Les internes de l'ISNI et l'ISNAR-IMG dénoncent une réforme pénalisant lourdement les internes remplaçants en libéral (même ponctuellement) qui devront s'acquitter d'une cotisation forfaitaire de « plus de 3 000 euros ».
« C'est là une étrange sensation de racket donnée aux internes pour leur première expérience du libéral », fulminent les juniors qui ne décolèrent pas. « Voilà de quoi rendre les internes remplaçants furieux, les écœurer de l'exercice libéral, et les pousser à arrêter précocement leur activité. Nos aînés installés en recherche de remplaçants seront ravis ! » L'ISNI et l'ISNAR-IMG réclament au ministère de rectifier« de façon urgente » ce qu'ils considèrent comme « un faux pas majeur ».
« On réclamait une possibilité de cotisation à la CARMF optionnelle et non obligatoire, précise au « Quotidien » le président de l'ISNI Jean-Baptiste Bonnet. Les internes qui ont le droit de remplacer gagnent entre 5 000 et 10 000 euros avant leur thèse, pas plus. Et ils cotisent déjà via l'hôpital. »
Pas en reste, les jeunes généralistes du SNJMG insistent sur la « perte de revenus sensibles pour les jeunes médecins exerçant des remplacements avant leur thèse, sans certitude qu'ils en recueilleront un bénéfice au moment de leur retraite ». En pratique, il existe une possibilité d'exonération à l'affiliation CARMF pour un BNC annuel inférieur à 12 500 euros pour les internes remplaçants. Mais cette exonération n'est pas automatique, regrette le syndicat.
Soutien des praticiens installés
Opportunistes, les syndicats de praticiens libéraux ont aussitôt apporté leur soutien aux internes. « Comment peut-on imaginer taxer des jeunes aspirants à l'exercice libéral et ainsi les décourager alors qu'ils débutent à peine leur carrière ? », s'émeut la CSMF. La centrale de Jean-Paul Ortiz juge que cette mesure introduit « une grave dissonance dans les orientations politiques actuelles », notamment au regard du plan territorial d'accès aux soins.
«Il ne faudrait pas que l'ISNI donne aux internes la consigne de cesser les remplacements en ville, les cabinets libéraux ne peuvent se permettre une baisse de l'offre des internes remplaçants », redoute le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF.
Cet amendement répond en réalité à une revendication du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), qui déplorait la faiblesse de la protection sociale des remplaçants. Conscient du pataquès, ReAGJIR assure au « Quotidien » que des discussions sur les modalités d'application de cette mesure ont lieu au ministère. « On comprend que les internes déplorent le caractère obligatoire mais c'est une super nouvelle pour les remplaçants non thésés, note le syndicat. Rien n'est définitif, des négociations sont en cours sur la possibilité de cotisations forfaitaires préférentielles. »
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