C'est incontestablement une réforme qui a marqué ce premier quart de XXIe siècle. Et personne par la suite n'a jamais songé à remettre en cause la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades. Pourtant, il n'est pas si simple d'en dresser le bilan tant ceux-ci semblent difficiles à faire respecter. « Le Quotidien du Médecin » tente cette semaine de se livrer à ce délicat exercice. Avec un premier constat positif : ses principaux acquis sont bien entrés dans les mœurs. Et parmi eux, l'accès direct à son dossier médical qui signe l'accession du malade au statut de majeur : que de chemin parcouru en effet, si l'on songe qu'avant 1979, cette faculté n'existait pas, avant d'être ensuite encadrée par la médiation d'un tiers médecin. La même observation vaut pour le droit au consentement dont l'oubli ou la violation est désormais sanctionné sans coup férir par nos tribunaux.
Au-delà, les 20 ans de la loi posent aussi la question de la démocratie sanitaire. Et de ce point de vue, l'horizon apparaît plus flou. Ne serait-ce que parce que les politiques ont toujours plus tendance à considérer le patient comme un alibi que comme un partenaire. La crise sanitaire est venue en apporter la preuve, signe que, quand les affaires deviennent sérieuses, il n'y a plus de représentants des usagers qui tiennent… Et que dire de la Conférence nationale de la Santé, «parlement» sanitaire créé un peu avant la loi Kouchner, mais dont on fait si peu de cas. Il y a quelques années, son secrétaire général avait démissionné avec fracas pour protester contre cet état de fait. En pure perte.
En réalité, les droits collectifs des usagers pâtissent de trois handicaps. À commencer par la difficulté à parler au nom du patient lambda, celui qui poireaute des heures aux urgences, qui cherche en vain un médecin traitant ou qui attend trois mois son rendez-vous chez l'ophtalmo. Il faut bien sûr saluer le dynamisme du tissu associatif. Depuis les années sida, il a joué un rôle croissant pour faire valoir la voix des malades. Mais ces organismes militants, s'apparentent davantage à des groupes d'intérêts, centrés sur les pathologies chroniques, qu'à une représentation universelle. La démocratie sanitaire souffre ensuite de l'absence de consensus sur le périmètre des droits des patients. S'il y a unanimité pour étendre le droit à l'oubli pour les malades du cancer, c'est moins évident quand certains revendiquent l'euthanasie en fin de vie, l'accouchement à domicile ou à l'assistance sexuelle pour les personnes handicapées. Et puis, malades et médecins ne sont pas toujours sur la même longueur d'onde, comme on a pu le constater sur la question du masquage des données de santé, des dépassements d'honoraires ou du conventionnement sélectif. Ce binôme, constitutif du colloque singulier, doit pourtant avancer au même rythme. C'est la condition obligée pour faire progresser le chantier de la démocratie sanitaire.
Exergue : La démocratie sanitaire souffre de l'absence d'unanimité sur le périmètre des droits des patients
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes