Comment embarquer les professionnels de santé dans les projets de changement ? À quelques semaines de la transformation du système de santé promise par le gouvernement – début septembre – les acteurs de terrain aspirent à se libérer du carcan institutionnel, des pesanteurs bureaucratiques et des directives parfois contradictoires, comme l'a illustré la récente Université du Change Management, à Paris.
Le malaise n'épargne pas les manageurs. « Sur le terrain, il est assez difficile de lire la politique du gouvernement », témoigne Charles Guépratte, directeur général du CHU de Nice. Entre la verticalité des décisions ministérielles et l'avalanche de directives des agences régionales de santé (ARS), certains hôpitaux se retrouvent dans l'étau des injonctions contradictoires. « Par exemple, on a l’impression que l'article 51 [sur l'innovation organisationnelle] a complètement rendu obsolète le développement des GHT [groupements hospitaliers de territoire, NDLR], alors même qu’on est loin d’en avoir terminé la mise en place », regrette le directeur de l’établissement niçois.
Face à l'accumulation de réformes mal digérées, entraînant une perte de sens pour les professionnels, les acteurs réclament une liberté d’action locale. « Il faut partir de la volonté d’un établissement de se positionner sur son propre territoire, avec son environnement hospitalier, libéral et médico-social », propose Charles Guépratte. Face aux instructions de Paris, souvent jugées inapplicables, l'expérimentation est plébiscitée. « On veut pouvoir raconter notre propre histoire, créer notre propre transformation », ajoute le directeur.
David Autissier, directeur de la Chaire ESSEC du changement, défend une méthode de réforme où les objectifs à atteindre (accès aux soins, indicateurs de santé publique) restent fixés en amont par les pouvoirs publics, mais pas les procédures. C'est l'évaluation des résultats après expérimentation qui est déterminante. Pas un blanc-seing mais un gage de confiance aux acteurs de terrain.
Après des lustres d'administration sanitaire, un des enjeux de l'article 51 sur l'innovation organisationnelle est précisément la plus grande liberté accordée aux porteurs de projets dérogatoires pour une durée de cinq ans (associations d'usagers, établissements, fédérations ou syndicats, financeurs, collectivités territoriales, etc.). Le pari est de repérer et de généraliser les modèles les plus pertinents.
Les vertus de l'échec
Les établissements veulent avoir les coudées franches pour mettre à l’épreuve de nouveaux modes d’organisation. Le Dr Rémy Bataillon, professeur à l’École des hautes études en santé publique (EHESP), propose carrément de développer « la culture de l’échec ». Il invite ainsi les autorités à « lâcher prise » sur les actions conduites localement pour permettre aux acteurs de santé d'envisager la réussite… ou le fiasco. Ce n’est que de cette manière qu’on pourra faire émerger des initiatives adaptées aux enjeux du territoire, même si elles dérogent au cadre réglementaire.
Le secteur libéral n'est pas en reste. Pour le Dr Martial Olivier-Koehret, ex-patron de MG France, la solution réside en quelques mots : « libérer les initiatives ». Même analyse du côté des cliniques. Le Dr Jean-Marc Coursier, directeur des relations médicales et patients du groupe Ramsay-Générale de santé, l’affirme : « Il faut un changement d’échelle pour arriver enfin à la notion de territoire. »
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