Les auditions de la Commission d'enquête sur la gestion du Covid-19 se poursuivent à l'Assemblée nationale. Mercredi 22 et jeudi 23 juillet, c'était au tour de plusieurs directeurs généraux d'agences régionales de santé (ARS) de répondre aux questions des députés.
Premier à passer sur le gril, l'ancien directeur général de l'ARS Grand Est Christophe Lannelongue, remercié début avril en pleine crise après avoir tenu des propos controversés sur des suppressions de postes et de lits au CHRU de Nancy, a tenu un réquisitoire lourd et sévère à l'encontre de l'administration centrale, « trop aveugle » sur la réalité de la situation et « sourde à nos demandes ».
Le haut fonctionnaire a pointé des problèmes de pilotage sur la gestion des masques. Il affirme avoir alerté le ministère de la Santé dès le 17 février de tensions sur les stocks des établissements de référence. « Nous avons été aidés trop peu et trop tard (...) le circuit de distribution a été mal géré. Par exemple, les officines recevaient les masques mais sans nom, ni adresse, c'était la foire d'empoigne du côté des professionnels de santé », explique-t-il.
Christophe Lannelongue plaide pour donner plus de marges de manœuvre aux préfets de région afin de réagir plus vite sur le terrain. La région a passé elle-même des commandes de masques à l'étranger. Un circuit local de fabrication et de distribution de masques a aussi été mis en place avec les élus locaux grâce aux entreprises du territoire. Une application « Distrimasques » est venue compléter la stratégie de distribution grâce à l'aide de l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux (URPS ML) du Grand Est.
La gestion des respirateurs et des transferts de patients a aussi posé problème avec des décisions nationales qui ne correspondaient pas aux besoins du terrain, affirme-t-il. « On a redéployé une cinquantaine de respirateurs au sein de la région où ça chauffait le plus. L'armée nous a donné 20 respirateurs supplémentaires. Nous n'avons pas eu de respirateurs au niveau national. On en a demandé 200 le 16 mars (...) nous avons finalement récupéré 54 respirateurs légers début avril qui ne nous ont pas servis », précise-t-il.
De manière générale, Christophe Lannelongue tance les réunions quotidiennes tenues sous la présidence de Jérôme Salomon avec l'ensemble des ARS. Il assure avoir été « noyé dans les discussions ».
« C'était impossible de s'exprimer, je suis intervenu en poussant des cris d'alarme sur la situation de notre région mais ce n'était pas compris, ni entendu et considéré comme de l'agitation. Le cabinet m'a reproché d'avoir des propos un peu vifs. Ce qui a manqué dans ce pilotage c'est une manière de discuter : où en êtes-vous ? Qu'est ce qui se passe ? De quoi avez-vous besoin ? », sermonne-t-il.
Culture de l'autonomie
Auditionnés le lendemain, les actuels directeurs généraux des ARS Île-de-France et Grand Est ont tenu un discours beaucoup plus mesuré à l'égard de la gestion du pouvoir central. « Je n'ai eu aucun souci de relation avec le national », a clairement affirmé Marie-Ange Desailly-Chanson, qui a succédé à Christophe Lannelongue le 9 avril. La responsable vante au contraire des « relations très fluides » avec la direction générale de la santé et le ministre Olivier Véran lui-même, notamment sur trois points : la gestion des foyers d'épidémie, l'armement et le désarmement des lits de réanimation et la mise en place des tests.
Marie-Ange Desailly-Chanson ne remet pas en cause pour autant les déclarations de son prédécesseur et refuse d'analyser la situation avant son arrivée. Au moment de sa prise de fonction, l'épidémie avait atteint un plateau dans la région Grand Est, les problématiques n'étaient donc plus les mêmes qu'au début de la crise. « Je n'étais pas dans la même urgence à devoir tester, tracer et isoler, rappelle-t-elle, (...) pendant mes fonctions et encore actuellement, j'ai des relations fluides avec le national mais ce n'est pas la même époque ».
« Mon expérience a été celle de la disponibilité et de la réactivité », a salué à son tour Aurélien Rousseau, directeur général de l'ARS Île-de-France. Le Francilien note toutefois un certain retard à l'allumage qu'il a pu constater pendant la crise. « Il y a évidemment eu quelques fois où le dialogue avec le national n'allait pas assez vite », se souvient-il. Mais au lieu de pointer du doigt le pouvoir central, Aurélien Rousseau appelle les ARS à « prendre leur autonomie ».
C'est ainsi qu'il a lui même décidé d'une politique de tests systématiques en EHPAD et dans les quartiers prioritaires et lancé l'application « Renforts-Covid », illustre-t-il par l'exemple. « Cela nous apprend qu'il nous revient parfois à nous, directeurs généraux d'ARS, de prendre nos responsabilités », analyse-t-il. « C'est aussi une culture de l'autonomie qu'il faut pousser plus loin (...) dans l'urgence, on doit être capable de prendre des décisions qui ne sont pas forcément validées », plaide Aurélien Rousseau.
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