La Cour des comptes s'attaque à la médecine scolaire, secteur en souffrance depuis plusieurs années, et les conclusions sont sévères. Avec de nombreux postes de médecins vacants, des performances « très médiocres » et une organisation « défaillante », le secteur est à réformer d'urgence selon les magistrats de la rue Cambon.
L'une des difficultés les plus prégnantes concerne les effectifs de médecins, qui ont chuté de 15 % depuis 2013, alors que le nombre d'élèves a augmenté. Fin 2018, L'Éducation nationale emploie seulement 966 médecins, chacun chargé du suivi de… 12 572 élèves en moyenne (du premier et second degrés du public et du privé) et, théoriquement, de la réalisation de 803 visites de sixième année. Un poste médical sur trois est vacant.
La démographie médicale actuelle n'aide pas à améliorer le recrutement de médecins — 82 % des effectifs sont âgés de plus de 50 ans —, également plombé par un manque d'attractivité financière. La grille indiciaire des médecins de l'Éducation nationale (hors médecins inspecteurs) commence à 2 160 euros brut mensuels en début de carrière, et va jusqu'à de 5 000 euros brut en fin de carrière.
La visite des six ans en chute libre
Ces effectifs en berne ont des conséquences sur les performances de la médecine scolaire, « très en deçà » des objectifs. En 2018, le taux de réalisation moyen de la visite médicale obligatoire de sixième année était de 18 %, avec des disparités très marquées selon les départements : moins de 2 % en Lozère, Indre, Gers, Aude et Loir-et-Cher mais 57 % en Saône-et-Loire et 83 % dans les Alpes-de-Haute-Provence. En tout, 58 % des enfants âgés de six ans n'ont bénéficié d’aucun examen physique de santé sur l'année 2018-2019.
Le cloisonnement des missions entre médecins et infirmiers, issu d'une récente réforme, n'arrange rien à ces mauvais résultats, poursuit la Cour. Un arrêté de 2015 « lourd de conséquences » indique que la visite de 6e année est faite par le seul médecin (en plus de ses autres missions, dont la détection des troubles), la collaboration avec l’infirmier n’étant plus prévue. Quant au dépistage obligatoire de la 12e année, il est réalisé uniquement par ce dernier, par ailleurs chargé de l'éducation à la santé (sexualité, contraception, conduites addictives, nutrition, hygiène de vie, etc.).
Revalorisation de 30 %
Ces constats amènent la Cour à formuler une dizaine de recommandations, dont une révision du partage des tâches entre médecins et infirmiers de l'Éducation nationale, notamment pour les visites médicales de la sixième année de l’enfant, et une articulation des dépistages obligatoires avec ceux réalisés en ville ou à l'hôpital, retracés dans le carnet de santé et bientôt dans le dossier médical partagé (DMP).
Les « sages » proposent aussi d'engager une concertation avec les collectivités territoriales pour la rénovation des centres médico-scolaires, et pour les doter de secrétariats. Enfin, une revalorisation « significative indispensable » de la rémunération des médecins scolaires à hauteur de 30 % (pour un coût estimé de 3 millions d'euros) est préconisée comme « première étape » pour se rapprocher des niveaux indemnitaires des médecins inspecteurs de santé publique.
Fait rare, le Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU-UNSA), représentatif de la profession, « adhère » totalement à ce rapport, qui constate ce que le syndicat « dénonce depuis des années ». Soulignant « le remarquable travail » de la Cour, le SNMSU espère que les autorités compétentes s'en saisiront rapidement afin qu’il ne reste pas « lettre morte, comme tant de rapports antérieurs ».
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