L'évaluation des expérimentations du « Parcours santé des aînés » (Paerpa - personnes âgées en risque de perte d'autonomie) n'a pas encore permis d'établir « un effet moyen significatif » du dispositif, estime Zeynep Or, économiste de l'Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé), co-auteure d'une étude sur le sujet en 2018.
Lancées en 2014 avec l'idée d'améliorer la prise en charge et la qualité de vie des personnes âgées de 75 ans et plus et de leurs aidants, ces expérimentations se sont d'abord tenues sur 9 territoires, avant d'étre étendues à 7 nouveaux territoires en 2016. L'objectif affiché était « de décloisonner les secteurs sanitaire, médicosocial et social, ainsi que de créer de la coordination entre l'hôpital et la ville, en impliquant de manière forte les professionnels des soins primaires ».
Un bilan mitigé
Le bilan, dressé par l'Irdes à partir des données de 2015 et 2016, années correspondant à la montée en charge des expérimentations, est plus que mitigé. Les résultats apparaissent ainsi « variables » sur la durée cumulée des séjours hospitaliers des personnes âgées concernées (+0,4 % en moyenne, avec des écarts allant de -6 % à +5,6 % selon les territoires), « moyens » sur le nombre de réhospitalisations à trente jours (+2,1 % en moyenne, avec des résultats allant de -3,2 % à +13 %) et « médiocres » sur les hospitalisations non programmées (en hausse de 4,3% en moyenne, allant de -2,8 % à +11,1 %) et sur les hospitalisations évitables (en augmentation moyenne de 4,7 %, avec des écarts très élevés allant de -12,2 % à +32,6%).
Les seuls résultats positifs observés concernent le nombre de polymédications continues (-3,9 % en moyenne, avec une baisse observée dans les neuf territoires expérimentaux) et les prescriptions inappropriées (-20,2 % en moyenne, avec à nouveau un bon résultat dans les neuf territoires). Ainsi, sur la plupart des indicateurs, « les territoires témoins - non Paerpa obtiennent des résultats proches de ceux des territoires Paerpa ,» souligne l'évaluation de l'Irdes.
Cette absence d'effets peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Le dispositif n'a d'abord pas su séduire les professions de santé libérales qui se sont retirées des instances de pilotage en mars 2016. L'Union nationale des professionnels de santé (UNPS) mettait notamment en cause « la lourdeur du dispositif, son inutilité et ses modalités irréalistes ». Du côté de l'hôpital, la DREES (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) souligne, dans son évaluation de 2017, une résistance « à une mobilisation dans les programmes Paerpa au-delà de la gériatrie et des urgences ».
Une absence d'incitation et d'accompagnement pour changer les pratiques
Pour Zeynep Or, ces réticences s'expliquent en partie par l'absence d'incitation et d'accompagnement pour changer les pratiques. « Une collaboration sur le parcours de soins demande un effort supplémentaire aux acteurs impliqués. Organiser une sortie d'hôpital par exemple nécessite de s'appuyer sur un réseau d'assistances sociales, d'infirmières, etc. Or, aucune mesure incitative n'a été mise en place pour soutenir cet effort de collaboration au sein d'un tel réseau ».
Les moyens financiers alloués au dispositif seraient également en cause. « Les montants engagés, 27 euros par personne âgée, sont faibles au regard des enjeux » constate l'économiste. Ambitieux dans ses objectifs, le dispositif PAERPA souffrirait par ailleurs de manquements techniques : « le document de sortie d'hospitalisation doit normalement être partagé avec le généraliste mais le système d'informations ne le permet pas actuellement » poursuit la chercheuse de l'Irdes.
Seule éclaircie dans ce tableau assez sombre, les analyses par territoire ont permis de déceler des effets significatifs dans quelques-uns d'entre eux. Dans le Nord-Pas-de-Calais par exemple, des résultats positifs ont été observés sur la polymédication. « Ce territoire connaît une polymédication élevée, par rapport à la moyenne nationale en 2013. Conscients du problème, les acteurs locaux se sont mobilisés sur cette problématique et ont mis en place diverses actions, » observe Zeynep Or.
Au total, on doit retenir un enseignement majeur : « Quand le dispositif a porté ses fruits, c'est que le territoire était mature en termes de coopération des professionnels de santé sur une problématique ». Au vu de ses résultats, la concertation sur le grand âge et l'autonomie, lancée début octobre par la ministre de la Santé et des Solidarités, Agnès Buzyn, pourrait déboucher sur une évolution du parcours santé des aînés initié par le dispositif PAERPA. « Des éléments sont à garder. Il faut comprendre ce qui fonctionne et mutualiser les savoirs-faire. Multiplier les dispositifs, tendance bien française, peut se révéler contre-productif » conclut Zeynep Or.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes