Alors que la région Île-de-France est à nouveau sous cloche, avec une hausse des hospitalisations et des réanimations dans le rouge, de nombreux responsables médicaux de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris (AP-HP) ont alerté ce week-end sur le risque grandissant de débordement des hôpitaux parisiens. Avec ressentiment, les médecins disent se préparer à faire une fois de plus le tri entre les patients face à la troisième vague de Covid.
« Il y a un sentiment de colère de se retrouver dans une situation qui va nous obliger à faire de la médecine de catastrophe », a déclaré sur BFMTV le Pr Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement (CME) de l’AP-HP. « Nous risquons de nous retrouver dans dix jours, 15 jours, trois semaines dans une situation de débordement. On ne va pas avoir d’autre choix qu’un autre confinement », a-t-il estimé.
Serment d'Hippocrate
Dans le « JDD », 41 médecins réanimateurs et urgentistes ont alerté sur la réalité du terrain, face à la dégradation de la situation sanitaire. « Dans les quinze prochains jours, […] nous avons une quasi-certitude sur le nombre de lits de soins critiques qui seront nécessaires et nous savons d’ores et déjà que nos capacités de prise en charge seront dépassées », écrivent les médecins, dont le Pr Bruno Riou, directeur médical de crise de l’AP-HP, ou le Pr Frédéric Adnet, chef du service des urgences de l’hôpital de Bobigny, pour qui « tous les indicateurs concordent pour affirmer que les mesures actuelles sont et seront insuffisantes pour inverser la courbe des contaminations ».
Face à cette situation, ils seront « contraints de faire un tri des patients, Covid et non Covid, en particulier pour l’accès des patients adultes aux soins critiques, afin de sauver le plus de vies possibles ». Alors que des déprogrammations médicales et chirurgicales ont déjà été imposées dans la région, « nous mettrons tout en œuvre pour retarder l’échéance en utilisant toutes les ressources humaines et matérielles disponibles, et utiliserons toutes les solutions innovantes pour limiter l’évolution vers des formes graves et réduire la durée des séjours en réanimation », précisent les signataires de la tribune, ne pouvant « rester silencieux sans trahir le serment d’Hippocrate ».
Séquelles psychiques
Le ton n’est guère différent dans une seconde tribune publiée ce même dimanche dans « Le Monde », où neuf médecins de l’AP-HP mettent également en garde contre cette logique de tri, à laquelle ils n’auront d’autre choix d’arriver après les transferts de patients et les déprogrammations déjà nombreuses.
Cette « priorisation » qui consiste, lorsqu’il ne reste qu’un seul lit de réanimation disponible mais que deux patients peuvent en bénéficier, « à décider lequel sera admis (et survivra peut-être) et lequel ne sera pas admis (et mourra assez probablement) » est très éloignée des règles élémentaires de l’éthique, qui préconisent une évaluation au cas par cas de l’admission en réanimation. Et pourtant « c’est bien vers cela que nous nous dirigeons », déplorent les signataires.
« Les soignants feront du mieux qu’ils peuvent mais se tromperont parfois […] et, contraints d’agir de façon contraire aux règles élémentaires de l’éthique, ils n’en sortiront certainement pas indemnes », pointent les spécialistes de l’urgence et de la réanimation. Certains risquent même d’en garder « des séquelles psychiques » voire de se « détourner de leur métier de soignant ». Et de pointer le rôle « hypocrite » du gouvernement qui impose, de par sa stratégie sanitaire, aux soignants de décider « quel patient doit vivre et quel patient doit mourir » sans l’afficher clairement.
En mars 2020, Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’Université Paris-Saclay, appelait déjà le politique à « assumer ses choix ». Un an plus tard, son propos reste le même. « La logique du processus de triage a été admise comme une éventualité par la décision du 29 janvier dernier (ne pas reconfiner, malgré les préconisations du conseil scientifique, N.D.L.R.), réagit-il ce lundi. Rien n’aura été mis en œuvre pour en éviter l’échéance, la stratégie étant de la repousser le plus longtemps possible avec le secret espoir que la vaccination en limiterait le recours. »
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