Depuis 2003 et la désastreuse image télévisée de Jean-François Mattei, en tenue décontractée dans sa villa provençale, s'efforçant de rassurer les Français en pleine canicule, l’été est la saison de tous les périls quand on est ministre de la santé. Fortes chaleurs, messages de prévention, tensions aux urgences : Agnès Buzyn s’est montrée omniprésente.
Dès la fin juillet, la ministre appelait les Français à la solidarité face à la montée du mercure et saluait des « services organisés et beaucoup de procédures mises en place ». Le 31, elle réunissait à Ségur les acteurs du plan canicule pour le lancement des spots de prévention destinés à la télévision et à la radio. Trois jours après, elle se rendait à Nîmes (Gard) pour rencontrer les professionnels de santé. Le lendemain, c’est une antenne de premier accueil social et d'orientation (APASO) qu’elle visitait, à la rencontre des personnes hébergées en raison fortes chaleurs.
À l'heure où la France prenait ses congés, la ministre n’a pas chômé et l'a fait savoir en dressant un premier bilan rassurant de la mise en œuvre du plan canicule. « Aucun signal d’alerte inquiétant », assurait-elle le 2 août en attendant « les chiffres définitifs de surmortalité », qu’elle aura en septembre. Quelques jours plus tard, elle assurait au micro d’Europe 1 que la suractivité des services d’urgences n’était pas liée aux fortes chaleurs. « Seuls 3 % à 6 % des passages aux urgences sur les quinze derniers jours sont liés à la canicule ».
Les services de santé ont tiré les leçons de 2003 et « l’anticipation, animée par le ministère de la santé porte ses fruits », s’est encore félicitée Agnès Buzyn. Celle qui assurait, avant l’été, que tout serait « parfaitement monitoré au ministère » a fait passer le message : il y a un pilote dans l'avion et les manettes sont tenues. Au risque d'en faire trop ?
L’AMUF dénonce le « plan com »
Cette communication a parfois exaspéré. Dans un courrier adressé à Agnès Buzyn et publié par « Var Matin », le Dr Vincent Carret, responsable local de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), a dénoncé mi-août un « plan com » qui met la poussière sous le tapis. « Non, tout ne va pas bien aux urgences et au SAMU cet été », martèle-t-il. Et l’urgentiste de raconter le surmenage que subissent les professionnels notamment lors de la période estivale. « Nos équipes d'urgence en charge et en responsabilité du plus grand département touristique de France travaillent la peur au ventre et n'ont jamais vécu à ce point ce sentiment d'impuissance, de débordement et de limites permanentes », écrit le Dr Carret. Il accuse la ministre d’être éloignée de la réalité du terrain. « Jamais l'interprétation erronée, transmise par les courbes statistiques et les chiffres de vos services administratifs, [...] ne vous permettra d'appréhender ce vécu dans ses plus justes dimensions de vérité et de réalité, vous le savez en tant que médecin ! »
Avant même l’arrivée des fortes chaleurs, l’AMUF avait publié une carte interactive recensant les services d’urgences en tension et dont les équipes font face à des risques psychosociaux. Plus de huit services sur dix répartis sur tout le territoire français déclaraient être en pénurie de personnel.
L'AP-HP fait son bulletin quotidien
Pendant la période de mise en œuvre du plan « Alerte canicule » par la préfecture d’Île-de-France, l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (APHP) a publié un bulletin quotidien de la situation de ses services d’urgences et SAMU/Centres 15 (22 au total). Résultat, entre le 1er et le 9 août, le volume global des passages aux urgences adultes de l’AP-HP est resté stable et seule une journée (le 3 août) a connu une augmentation du nombre de cas de pathologies liées à la chaleur. Ce jour-là, neuf personnes ont été admises aux urgences en raison des la hausse des températures. Néanmoins, le nombre de passages de personnes âgées (plus de 75 ans) a été constamment supérieur à celui observé un an plus tôt à la même période (entre +1,5 % et +11 %).
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