Le Sénat a achevé l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 qui vise notamment à mettre en œuvre plusieurs mesures du plan « Ma Santé 2022 ». Disposition phare, le déploiement de 4 000 assistants médicaux pour libérer du temps médical aux praticiens libéraux a fait l'objet d'un débat tonique.
Si les sénateurs se sont montrés favorables à cette réforme, ils ont déploré son aspect trop limitatif, le gouvernement voulant conditionner le recrutement de ces assistants à l'exercice groupé et coordonné.
Pour élargir la portée du dispositif, le Sénat a adopté un amendement du Dr Bernard Jomier, sénateur de Paris (Groupe socialiste et républicain), qui autorise le recrutement d’assistants médicaux en renfort des médecins en zones sous dotées même s’ils ne s’inscrivent pas dans un mode d’exercice coordonné. « Les médecins dont le besoin de libération rapide de temps médical est le plus criant sont ceux qui exercent dans les zones en carence et donc bien souvent de manière isolée », précise l'amendement. « N'élevons pas une barrière infranchissable », a plaidé le sénateur de Paris à Agnès Buzyn tout en réaffirmant « la nécessité de développer l'exercice coordonné ».
L'esprit et la lettre
À ce stade, le PLFSS prévoit l'ouverture rapide de négociations conventionnelles pour fixer les conditions d'accès et la rémunération des assistants médicaux.
Lors du débat, la ministre de la Santé n'a pas exclu des aménagements. Elle entend « laisser une certaine liberté aux partenaires, afin qu'ils puissent identifier des situations particulières », et notamment le cas des praticiens dans les déserts médicaux. « L'idée n'est pas de créer un dispositif trop rigide », rassure Agnès Buzyn qui n'exclut pas des exceptions (limitées). Mais elle veut lancer un signal clair aux médecins. « Si nous inscrivons dans la loi que n'importe quel médecin, indépendamment de sa pratique ou de sa localisation, peut bénéficier d'un assistant médical, nous perdons, je pense, la force du message de transformation que nous voulons porter dans le plan. »
Souplesse
Cet argument n'a pas convaincu les sénateurs, tous bords confondus, déterminés à ouvrir le périmètre du recrutement des assistants. Pour Jean-Louis Tourenne (Groupe socialiste et républicain, Ille-et-Vilaine), le message du gouvernement est en effet totalement brouillé : « d'un côté, vous nous annoncez que vous allez créer des assistants médicaux pour libérer du temps médical et que, ne sachant pas très bien quel sera le contenu de leurs missions, vous vous en remettez à la négociation professionnelle (...) De l'autre, vous nous expliquez que, certes, vous ne savez pas si ces assistants médicaux travailleront à mi-temps, à tiers-temps ou à temps complet, mais que, d'ores et déjà, vous inscrivez dans la loi qu'ils seront obligatoirement présents là où l'on pratique la médecine coordonnée ! ».
Comme ses collègues, le sénateur veut donc inscrire noir sur blanc dans la loi la possibilité du recours à un assistant médical pour un praticien isolé en zone fragile, sans quoi la « souplesse » promise par le gouvernement restera lettre morte. « Sans cette souplesse dans l'installation des assistants médicaux, nous perdrons tout le bénéfice que la disposition pourrait apporter à la lutte contre la désertification », a renchéri le Dr Bernard Bonne (Les Républicains, Loire).
Pédagogie de la réforme
À travers ce débat, c'est bien le sort des médecins isolés et leur accompagnement financier vers l'exercice coordonné qui ont été évoqués. « Leur appliquer une double, voire une triple peine ne serait pas une façon pédagogique de les amener vers un exercice coordonné de la médecine », a alerté Nadia Sollogoub (Union centriste, Nièvre).
La grande transformation du système de santé programmée par l'exécutif – et qui doit faire de l'exercice en solo une exception en 2022 – ne doit donc pas oublier d'embarquer tous ces praticiens isolés en zone carencée, défend Bernard Jomier. « Prévoir une exception, ce n'est pas indiquer une volonté de comportement majoritaire. Et c'est bien une exception que nous demandons d'inscrire dans la loi ! »
Inflexible sur le fond, Agnès Buzyn s'est employée à défendre sa ligne… avec pédagogie. « Dans la loi, nous inscrivons comme seul critère la nécessité d'un exercice coordonné. Nous n'imposons pas le regroupement sur un même lieu ; nous écrivons que les médecins doivent faire partie d'une CPTS [Communauté professionnelle territoriale de santé], d'un réseau ou d'une maison de santé. » Les médecins exerçant en cabinet individuel ne seraient donc pas exclus... La ministre a ensuite coupé court aux discussions : « ces zones (sous-denses) représentent 20 % du territoire français. Admettre que les médecins exerçant sur 20 % du territoire français bénéficient de cette disposition sans s'inscrire dans un exercice coordonné, c'est perdre le signal que nous souhaitons donner. »
L'amendement a néanmoins été adopté par la chambre haute mais le débat devrait resurgir lors de la suite de la navette parlementaire.
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