Refondre les modes de financement et de rémunération en limitant à 50 % la proportion de tarification à l'activité : c'est le chantier le plus ambitieux de la stratégie nationale de santé, qui embarque tous les secteurs – établissements et médecine de ville.
À la tête d'une task force du financement, le patron de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), Jean-Marc Aubert, a rédigé un premier rapport complet en ce sens dont « Le Quotidien » a eu connaissance.
Deux grands modes de rémunération dominent. Le premier, lié à l'activité (paiement à l'acte, à la journée, T2A) « favorise la productivité et la réactivité ». Le second, valorisant des missions (forfaits, dotation annuelle) est encore très limité dans certains secteurs − 13 % chez les généralistes de ville, 20 % en court séjour MCO dans les établissements publics − bien qu'il soit la norme en psychiatrie et SSR dans le public.
Actes redondants et inutiles
Cette architecture ne permet ni de valoriser la qualité ni d'encourager la coordination. « Le système de paiement à l'acte et de tarification à l'activité induit des risques de réalisation d'actes non pertinents, redondants, voire inutiles », indique le rapport.
Plusieurs principes sont avancés : équilibrer tarification à l'activité et forfaits, sachant que la proportion de paiement à l'acte dans la rémunération des généralistes atteint « au maximum 50 % » dans les grands pays ; généraliser la tarification à la qualité y compris à la psychiatrie et au médico-social ; enfin inciter à la pertinence et au regroupement. Sur ces bases, cinq mesures concernent la tarification des soins hospitaliers, une porte sur les soins de ville.
Incitation à la pertinence
Pour les soins hospitaliers, le rapport propose d'identifier les régions où « les taux de recours à certains gestes ou spécialités s'écartent significativement de la moyenne nationale (plus de deux fois l'écart type) ». Pour ces régions, une partie de l'activité des établissements (au moins la moitié) serait financée « forfaitairement » et le reste le serait toujours au GHS mais avec un tarif « divisé par deux ». Il s'agit d'une mesure de désincitation du volume et qui vise à diminuer les actes inutiles ou non pertinents.
Bonus/malus à la qualité
L'incitation à la qualité a vocation à se généraliser partout (soins de ville, HAD, SSR, EHPAD, psychiatrie et MCO), peut-on lire. Le schéma ? Les établissements héritent d'une dotation incitative à partir d'une « série limitée d'indicateurs » qualité transversaux (dix maximum à terme). Cette « prime » serait calculée à partir de la progression de l'établissement par rapport à lui-même mais aussi par rapport aux autres établissements de sa catégorie. Un malus est envisagé en 2020 sur la base d'indicateurs de non-qualité. Ce mécanisme financier (dotation complémentaire et pénalité) a déjà été amorcé dans le cadre du budget de la Sécu 2019.
Forfaits pour les pathologies chroniques
Sans surprise, le financement forfaitisé de pathologies chroniques est retenu. Deux prises en charge à l'hôpital ont déjà été ciblées par le gouvernement pour 2019 : le diabète et l'insuffisance rénale chronique. L'objectif ? Inciter les hôpitaux à « davantage de prévention et de coordination avec la ville », en vue de réduire le nombre d'hospitalisations liées à des complications. La démarche s'étendrait ensuite en ville.
Établissements psy : davantage d'équité
Le rapport constate de fortes inégalités de répartition d'équipement et de moyens en psychiatrie. Il propose la modulation des dotations régionales en fonction de la population (majeure et mineure) et de son niveau de précarité. Le taux de fuite et d'attractivité devra être pris en compte. Dans un second temps, une part modulable (fondée sur quelques indicateurs de qualité des prises en charge) pourrait être ajoutée. Une harmonisation des financements entre privé et public est envisagée.
Urgences : forfait de coordination
Après le forfait Véran de « réorientation » des urgences vers la ville (écarté pour l'instant par le Sénat lors de l'examen du PLFSS), voici le forfait de « coordination ». Seul le nom change puisqu'il s'agit bien de rémunérer les services d'urgence pour chaque patient léger réorienté vers la médecine de ville, une maison médicale de garde ou une consultation hospitalière. La valeur du forfait varierait selon la spécialité. Son versement serait conditionné à la fixation d'un rendez-vous médical, plaide le rapport Aubert.
Une infirmière financée pour trois médecins libéraux
En ville, la priorité est de favoriser l'exercice regroupé. Le rapport Aubert préconise de conditionner le financement d'une infirmière ou d'une assistante médicale au « regroupement de trois généralistes libéraux au moins ». Plusieurs missions sont imaginées pour ce poste : accompagnement des patients chroniques, préparation des consultations en amont ou prise de paramètres biologiques. Le rapport cite l'expérience des infirmières Asalée (action de santé libérale en équipe) qui ont permis « une augmentation de 7 à 10 % de la patientèle ».
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