Près d'un siècle après la première inoculation du bacille bilié d'Albert Calmette et Camille Guérin (BCG), comment faire mieux alors que le vaccin protège mal les adultes et que les bacilles résistent de plus en plus aux antibiotiques ? La question se pose avec acuité, alors que la crise sanitaire liée au Covid-19 a anéanti des années de progrès et que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé à investir massivement, notamment dans la recherche à hauteur de 1,1 milliard de dollars de plus, à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose ce 24 mars.
Le 6e Forum mondial sur les vaccins contre la tuberculose (du 22 au 25 février, programmé à Toulouse avant de se tenir en distanciel), sous la coordination cette année d'Olivier Neyrolles, directeur de l'Institut de pharmacologie et biologie structurale (IPBS), a réuni chercheurs et décideurs pour faire le point sur cette question. « Depuis le BCG, et avec les travaux des instituts Pasteur de Paris et de Lille et de l'IPBS, la France tient un rôle de leader dans la recherche contre la tuberculose », souligne Isabelle Saves, responsable de la coopération internationale de l'IPBS.
Tous les acteurs de la recherche médicale française ont été mobilisés pour l'occasion, du CNRS à l'Inserm, en passant par l'Institut Pasteur. Les intervenants ont compté le directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus ou encore Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des allergies et maladies infectieuses aux États-Unis.
Des boosters du BCG, voire de nouveau vaccins
Si le BCG protège efficacement des formes graves méningées ou disséminées chez l'enfant, ce qui s'est traduit par une baisse drastique de la mortalité infantile, « le vaccin protège assez mal contre la tuberculose pulmonaire, transmissible, qui touche surtout les adultes », explique Olivier Neyrolles. La protection chez l'adulte est en effet très variable, allant de 0 à 80 %. « C'est pourquoi la recherche est en quête de nouvelles options, sous la forme de nouveaux vaccins ou de rappels du BCG », ajoute-t-il.
La piste la plus avancée est celle consistant à maintenir la vaccination du BCG chez les jeunes enfants et à prolonger cet effet à l'âge adulte à l'aide d'un « booster ». Faire des rappels avec le BCG initial s'est généralement révélé inopérant, c'est pourquoi les chercheurs se sont tournés vers l'administration de protéines recombinantes avec adjuvant. Cette approche se révèle encourageante dans un essai de phase 2b conduite en Afrique du Sud, au Kenya et en Zambie. « L'étude montre une diminution de 50 % du risque de développer la tuberculose à 3 ans chez les personnes ayant reçu le booster par rapport à celles ayant reçu le placebo », rapporte le chercheur.
Autre stratégie : remplacer le BCG par un BCG modifié ou même une souche de bacille de Koch atténuée en retirant les gènes de virulence. Un candidat développé par l'Institut Pasteur puis repris en Espagne est actuellement en phase 2, bientôt en phase 3.
Quant à la piste des vaccins à ARNm, elle est encore très précoce, même si la firme BioNTech a déjà annoncé y travailler. « Il n'y a pas encore beaucoup de communications à ce sujet, indique Olivier Neyrolles. Un ARNm qui coderait une protéine du bacille tuberculeux entraînerait essentiellement une réponse humorale. Or il est généralement admis que les anticorps protègent mal contre la tuberculose. Ce qu'il faudrait, c'est arriver à induire certaines formes d'immunité cellulaire. »
Une réponse immunitaire cellulaire complexe
Mais quelle réponse cellulaire induire ? « Jusqu'au début des années 2010, on pensait qu'il suffisait d'induire une réponse Th1 basée sur les CD4 produisant de l'interféron gamma, rappelle le chercheur, lauréat du prix Coups d'élan pour la recherche française de la Fondation Bettencourt Schueller. Or un vaccin induisant une réponse Th1 s'est soldé par une protection nulle. Si la réponse Th1 est nécessaire, elle ne suffit pas. » D'autres populations cellulaires semblent conférer une protection en association à la réponse Th1, comme les lymphocytes CD8 cytotoxiques ou les cellules lymphoïdes innées (ILC), sur lesquelles travaille l'équipe d'Olivier Neyrolles. « Après les recherches empiriques telles que celles de Calmette et Guérin, l'objectif est maintenant de découvrir des bases rationnelles pour le développement de nouveaux vaccins grâce à la recherche fondamentale », poursuit-il.
Le Covid-19 a éclipsé la tuberculose, qui touche surtout les pays en développement. « Il faut pourtant rappeler l'importance de cette maladie en matière de santé publique, souligne Olivier Neyrolles, ce d'autant que les bactéries résistantes aux antibiotiques deviendront la principale cause de mortalité dans le monde d'ici à 2050. Des souches du bacille de Koch totalement résistantes aux traitements ont déjà été découvertes près de nous, par exemple en Lettonie et en Italie. »
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