Crise de la pilule, contraception définitive Essure, dispositif intra-utérin (DIU) Mirena, violences obstétricales, sans parler du vaccin HPV ni du dépistage du cancer du sein, les affaires se suivent et ne se ressemblent pas en gynécologie.
Une chose est sûre, les polémiques relayées par les médias et les réseaux sociaux, alimentent une crise de confiance et visent une profession dans son ensemble avec violence. « Mauvaise météo pour la gynécologie et pour les femmes, ce sont des régressions graves », commente avec amertume le Pr Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues de France (CNGOF).
« Il y a une tendance à la décrédibilisation du milieu médical, estime le Dr Yaël Lévy-Zauberman, jeune femme signataire d'un groupe Facebook de 450 gynécologues-obstétriciens qui ont voulu faire entendre leurs voix à côté de leurs aînés. Aujourd'hui, la rumeur vaut autant que les faits scientifiques. On fait croire aux femmes qu'elles vont retrouver leur choix, en réalité c'est l'inverse, elles perdent en liberté. »
Même pour un collectif de chercheuses et de militantes, dont le Planning familial, qui, dans une tribune dans « Le Monde », appelle à considérer la parole des femmes sur leur santé sexuelle et reproductive « trop souvent confisquée par les médecins », notamment au sujet des violences obstétricales est-il précisé, le phénomène sur les réseaux sociaux est en train de s'emballer pour la contraception.
Pour la pilule, qui traverse une désaffection depuis la crise de 2012, le livre « J'arrête la pilule » de Sabrina Debusquat publié début septembre est le coup de trop, dont les contre-vérités scientifiques ont fait bondir. Le CNGOF et le collectif s'inquiètent de la stigmatisation du contraceptif le plus utilisé en France.
Un impact en consultation
Conséquences en pratique, des femmes jusque-là satisfaites de leur contraception se mettent à douter, veulent arrêter la pilule pour « retrouver leur corps naturel sans hormone » ou retirer leur DIU Mirena, suite au groupe Facebook « Victimes du stérilet Mirena ». « Oui c'est un problème de plus en plus important en consultation », explique le Dr Yaël Lévy-Zauberman. Constat partagé par Nicolas Dutriau, membre du Collège national des sages-femmes (CNSF) : « Les consultations sont embolisées par des demandes de retrait de Mirena juste parce que les femmes ont entendu dire que c'était mauvais. »
L'information due aux patientes devient une tâche de plus en plus complexe. « Il faut prendre un temps supplémentaire pour convaincre que ce que l'on dit est vrai, explique le Dr Lévy-Zuberman. À titre personnel, je suis plus attentive à essayer de comprendre pourquoi les femmes ont les idées qu'elles ont. Il faut savoir saisir intuitivement en quelques secondes en début de consultation ce qu'une femme attend, ce qu'elle veut savoir et ce qu'elle peut comprendre. Pas toujours si simple. »
Terminé pour Essure en Europe
Quant à la méthode Essure, les gynécologues sont atterrés. « Essure avait tout changé en matière de contraception définitive, explique le Pr Nisand. Avec deux décès par an, on n'est pas très chaud pour la ligature des trompes à l'ancienne. » Quant au Dr Yaël Lévy-Zauberman, elle est indignée : « Je ne comprends pas que le laboratoire ne se batte pas pour défendre son produit. »
Mais c'est sans doute le Dr Marie-Laure Brival, gynécologue-obstétricienne à la clinique des Lilas et militante au Planning familial, qui exprime le plus sa colère : « C'était une libération pour les femmes ayant un long parcours contraceptif. Je suis révoltée par le laboratoire Bayer, qui abandonne le dispositif en Europe pour des raisons de rentabilité, - ce qu'il ne fait pas aux États-Unis, un pays pourtant bien plus procédurier-, par la frilosité du CNGOF à se battre mais aussi par la ministre de la Santé qui n'est pas montée au créneau. Dans une situation analogue en 1988, Claude Évin avait pris une position forte en faveur de la pilule abortive. Aujourd'hui, nous sommes dans une position infernale face aux femmes qui ne comprennent pas ce flou. Les appels sont multipliés par 3 voire 5 ».
Une maltraitance institutionnelle
Quant à la polémique déclenchée sur les violences obstétricales et maltraitances gynécologiques fin juillet par Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, elle a suscité de vives réactions de l'Ordre des médecins, du CNGOF et du groupe Facebook des jeunes gynécos. Bien au-delà de chiffres erronés sur les épisiotomies, « cette punition collective est injuste, s'exclame le Pr Nisand. Il y a eu par le passé de la vraie maltraitance avec misogynie et il existe encore des cas isolés de mauvais praticiens. La discipline a beaucoup évolué. Mais aujourd'hui, il y a surtout de la maltraitance institutionnelle envers les médecins. Quand un médecin de garde est seul en CHU la nuit quand il y en a 4 ailleurs, la ligne jaune est franchie. On n'est plus dans le partage des responsabilités dans l'urgence. Le CNGOF veut proposer un label de qualité des maternités ».
Pour Sophie Guillaume, présidente du CNSF, qui a fait évoluer la formation des sage-femmes il y a quelques années suite à une réflexion sur la violence faite aux femmes : « Dans le rush, on vise les priorités, la sécurité, l'urgence. Malheureusement, on peut être amené à être dans une écoute limitée, c'est humain. Il reste néanmoins que savoir communiquer est essentiel pour aller vers un partage de la décision et le consentement aux soins. »
« Il y aura encore des femmes déçues par leur accouchement, et encore des césariennes en urgence, souligne le Pr Nisand. Il faut savoir revenir vers elles ensuite pour mettre des mots sur ce qui s'est passé. » Pour le Dr Lévy-Zauberman, il ne faut pas oublier que « l'accouchement est en soi un moment traumatique avec du sang et des douleurs, et qui peut parfois mal tourner ». Sophie Guillaume regrette que du côté des usagères, trop peu fassent de préparation à la naissance, « alors que c'est un temps pour transmettre les attentes et les angoisses. Pourquoi ne le font-elles pas ? ». La Société française de médecine périnatale présentera les résultats de la dernière enquête nationale périnatale et l'état des lieux sur l'évolution des pratiques au cours des 20 dernières années lors de son congrès annuel du 18 au 20 octobre à Lyon.
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