« Dix ans de perdus », estime le Dr Ivan Berlin. Pourtant, les mécanismes d’action de la varenicline, qui cible les récepteurs nicotiniques neuronaux, α4β2, étaient prometteurs avec une double action : effet agoniste partiel (soulage les symptômes de besoins impérieux et de manque) et effet antagoniste en présence de nicotine (réduit les effets de récompense et de renforcement de la nicotine).
Les premiers essais cliniques furent également positifs. Tout laissait supposer que Champix allait acquérir une place de choix dans l’arsenal du sevrage tabagique. Mais comme le rappelle le Dr Berlin, un fait divers texan largement médiatisé, suivi par diverses observations de pharmacovigilance, devait générer une suspicion sur la tolérance des produits sur le plan neuropsychique et cardiovasculaire. « Dix ans plus tard, constate le Dr Berlin, l’opiniâtreté de certains cliniciens et de Pfizer allait permettre de rétablir la vérité ; tout d’abord l’analyse des études sérieuses montre que 13 études sur 15 ne révèlent pas d’effets neuro-psychiques du traitement et qu’au plan cardiovasculaire 5 études sur 6 sont négatives. Mais il a fallu l’étude Eagles pour que les autorités reviennent sur les précautions d’emploi initialement imposées et pour que la France décide le remboursement de Champix à 65 % ». On peut estimer que dix ans ont été perdus estime le Pr Daniel Thomas.
L’étude Eagles
L’étude Eagles, la plus grande étude clinique randomisée menée dans le sevrage tabagique a inclus 8 144 fumeurs âgés de 18 à 75 ans (plus de 10 cigarettes par jour l’année précédente) dont 4 116 ayant des antécédents psychiatriques. Pendant 12 semaines, ces patients ont reçu soit varenicline (1 mg x 2/j), bupropion (150 mg 2/j), patchs à la nicotine (dose fixe de 21 mg/j) ou placebo. Un suivi de 12 semaines a été effectué après l’arrêt. Dans l’ensemble des 2 cohortes l’incidence des effets indésirables neuropsychiatriques a été comparable dans tous les groupes, y compris placebo (de 3,7 à 4,5 %). Il n’y a pas d’augmentation des événements NPS aussi bien dans les cohortes non psychiatriques que psychiatriques. L’analyse des différents événements aboutit à la même conclusion, en particulier pour les idées et comportements suicidaires, cela dans les deux cohortes. Au plan de l’efficacité, varenicline et bupropion permettent d’obtenir des taux d’abstinence continue aux semaines 9 à 12 statistiquement supérieurs au placebo (p < 0,0001). L’efficacité de la varenicline est maintenue aux semaines 9 à 24, avec un taux d’abstinence continue significativement supérieur à bupropion et au placebo (p < 0,0001). Enfin, en ce qui concerne les effets indésirables et bénins, chaque groupe a sa spécificité : nausées (25 %) pour la varenicline, insomnies (12 %) pour le bupropion, rêves anormaux (12 %) pour le patch à la nicotine et céphalées (10 %) dans le groupe placebo.
Réécriture des recommandations HAS
Au terme de ces errances, le Pr Thomas espère une réécriture des recommandations HAS qui remontent à 2014, c’est-à-dire au moment où la varenicline était largement suspectée… mais cela est une autre histoire.
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