Jusqu'à 100 000 euros par cure pour certains anticancéreux

Gouvernement, industriels et ONG en quête de recettes pour payer les nouvelles molécules

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Publié le 03/10/2016
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Crédit photo : phanie

Comment concilier juste rémunération des médicaments innovants, en cancérologie mais pas seulement, et accès des traitements au plus grand nombre ? À l'heure où le Comité économique des produits de santé (CEPS) négocie le prix d'un médicament orphelin pour lequel son fabricant demande 200 000 euros, la question ne semble pas illégitime, ainsi que l'a montré aussi une journée sur ce thème organisée par la Ligue contre le cancer.

En France, le cancer touche chaque jour 1 000 personnes supplémentaires, prises en charge à 100 % par l'assurance-maladie. Au printemps, la Ligue, Médecins du Monde, et des associations de patients ont tenté de sensibiliser l'opinion sur le prix jugé exorbitant des traitements innovants, au moyen de campagnes "choc" qui n'avaient guère été du goût des industriels. En mai cette fois, lors d'une réunion du G7, François Hollande avait plaidé pour « une régulation internationale » visant à faire en sorte que « chacun puisse bénéficier des médicaments, y compris des thérapies les plus coûteuses ». Mais en attendant, c'est dans le prochain budget de la Sécurité sociale (PLFSS) que le gouvernement s'efforce de prendre le taureau par les cornes, en créant notamment un fonds de financement de l'innovation pharmaceutique (lire ci-dessous). 

En Angleterre, le prix d'une année la vie

La question de la soutenabilité du coût de l'innovation par la solidarité est centrale. Le Pr Franck Chauvin, vice-président de la Ligue contre le cancer, souligne que dans certains pays, comme l'Angleterre, « l'année supplémentaire de vie en bonne santé grâce à un médicament ne doit pas coûter plus de 30 000 livres » (environ 35 000 euros), faute de quoi le traitement n'est pas pris en charge. À ce prix, certaines innovations n'auraient pas obtenu leur place dans la liste hexagonale des produits remboursables… Le Pr Anthony Gonçalves, oncologue à l'institut Paoli Calmettes, décrit pourtant l'ampleur des enjeux. « Actuellement, il y a 2 000 médicaments anticancéreux en développement dans le monde, il faut permettre l'accès de tous à ces innovations ».

Dans le monde associatif, de nombreuses voix réclament aujourd'hui des prix fixes correspondant peu ou prou au coût exact du développement du médicament. Ce qui fait tiquer les industriels : « Il n'est pas possible d'individualiser les coûts de R&D par médicament, assure le Dr Éric Baseilhac, directeur des affaires économiques du LEEM, car un industriel investit sur un pipeline entier. Et ces coûts de développement ne sont pas individualisables non plus par pays ».

Licence d'office

Responsable de la campagne sur le prix des médicaments, Olivier Maguet (Médecins du Monde) presse les pouvoirs publics d'utiliser « le seul instrument politique qui permettrait d'adresser un signal fort », la licence d'office. Il s'agit d'un dispositif législatif qui permet aux pouvoirs publics, lorsque des raisons d’intérêt général le justifient, d'autoriser l’exploitation d’un brevet par une personne tierce sans le consentement du propriétaire.  

Vice-présidente de la Ligue, le Pr Claudine Esper avance de son côté un plan d'action incluant « un principe législatif affirmant que les médicaments coûteux doivent bénéficier d'un accès équitable ». Les pouvoirs publics sont invités à imposer la transparence des coûts à tous les étages : fixation des prix, marges de négociation, remises… La Ligue suggère également de mettre en place des déontologues dans chaque instance concernée par la fixation du prix.

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du médecin: 9522