DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
LE Dr JULIO MONTANER, président de l’IAS, a exprimé sa profonde déception après la dernière réunion du G8, qui a visiblement oublié les engagements de 2005 d’assurer un accès universel à la prévention et au traitement à partir de 2010. Pas un mot sur cette promesse et, à analyser les réalisations de chacun des états « les plus riches du monde », le Dr Montaner constate que seuls les États-Unis ont tenu leurs engagements ! Un pays souvent critiqué dans le passé et qui a été le plus touché par la crise. Comme quoi cette dernière ne peut justifier une diminution de l’aide à l’Afrique, en particulier dans la lutte contre le sida. On remarque d’ailleurs que les responsables politiques ne se bousculent plus lors des conférences internationales sur le sida, comme si ce thème n’était plus porteur.
Un pessimisme partagé par Michel Kazatchkine, directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, même s’il précise que tous les pays développés ont tenu leurs engagements par rapport aux programmes existants. Il reste que seuls les États-Unis (+ 100 millions de dollars) et l’Italie (+ 30 millions) ont voté des rallonges budgétaires, alors que les projets à financer sont de plus en plus nombreux et coûteux, si bien qu’il manquera quelque 3 milliards de dollars au Fonds mondial. Or, ce dernier finance la moitié des quelque 4 millions de traitements antirétroviraux distribués dans les pays pauvres (60 % en Afrique), ce qui reste encore loin de couvrir tous les besoins (surtout si l’on applique les critères de traitement des pays développés).
Le résultat, déjà palpable, sera de voir se recreuser le fossé Nord-Sud, alors même que l’on remet en cause les traitements de première intention que les économies imposent aux pays pauvres (à base de d4T).
L’exemple de l’Afrique du Sud.
Surtout, Michel Kazatchkine redoute de voir gommés les progrès accomplis dans des pays comme l’Afrique du Sud, où le retard pris, du fait d’une politique de déni, a été largement comblé. « Mais on est encore loin du compte, alors que l’on préconise le traitement à partir de 200 CD4, le chiffre moyen est passé de 50 à 130, ce qui est déjà un progrès, mais insuffisant. »
Or l’émergence dans ce pays de la tuberculose multirésistante complique encore la tache des soignants, qui se trouvent confrontés à un choix impossible : poursuivre les traitements ARV en cours ou traiter de nouveaux patients ou traiter activement la tuberculose multirésistante. Concrètement, voilà ce que les restrictions budgétaires impliquent.
Mobiliser les politiques.
Face à cette situation d’urgence, Michel Kazatchkine va tenter de modifier les règles de fonctionnement du Fonds mondial, afin de mobiliser pour financer de nouveaux projets l’argent normalement bloqué pour le financement (sur cinq ans) des projets en cours. Un peu risqué, reconnaît-il, s’il n’y a pas de mobilisation rapide des États qui financent le Fonds mondial. En corrigeant aussi des anomalies choquantes : est-il normal que l’aide multilatérale finance encore les traitements ARV en Chine, alors que ce pays investit massivement en France ?
J. Montaner et M. Kazatchkine se retrouvent pour estimer que le monde ne tourne vraiment pas rond : alors que les pays riches ont trouvé, en très peu de temps, beaucoup d’argent pour sauver les banques, ils n’annoncent aucune mesure pour tenir leur engagement de libre accès aux traitements en 2010. Et pourtant les sommes à engager sont comparativement dérisoires.
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