C’EST à proximité des quatre colonnes conduisant à l’hémicycle de l’Assemblée nationale que le Conseil national du sida a présenté son dernier avis. « Un lieu symbolique », souligne le Pr Willy Rozenbaum, président d’un Conseil qui, depuis le début de l’année, a fait peau neuve. Nouveau logo, nouveau site, ce changement d’identité visuelle s’inscrit dans le cadre d’une volonté d’ouverture plus grande et « d’une valorisation plus forte des travaux du conseil ».
Le sujet présenté ce jour-là était lui aussi symbolique : la place des traitements dans la prévention de l’infection à VIH/sida. « La réflexion a duré plus d’un an et demi, témoigne le Pr Rozenbaum. Cela témoignede la difficulté que nous avons eue à trouver les mots justes. » Il ose le néologisme « d’exceptionnalisme » pour qualifier le modèle sur lequel reposait jusqu’ici la prévention. « Si l’on veut bénéficier des progrès thérapeutiques à la fois sur le plan collectif individuel et sur le plan individuel, il faut s’orienter vers une stratégie plus classique, qui est de dépister et de traiter le plus de personnes possible », souligne-t-il. Et l’histoire des maladies infectieuses le rappelle. « Ce n’est pas le vaccin qui a permis de contrôler la tuberculose mais bien le fait d’avoir dépisté, pratiqué des intradermoréactions et traité les patients infectés, y compris les primo-infections, dont on sait que neuf fois sur dix elles ne conduisent pas à une tuberculose maladie », poursuit l’infectiologue. La logique que propose l’avis est la même : traiter pour éviter la contamination ; traiter pour réduire le risque de transmission.
Dépister et traiter.
L’impact des traitements sur la courbe épidémique bénéficie d’un certain consensus dans la communauté internationale. Des études sont là pour le montrer, y compris le modèle théorique développé par l’OMS (« le Quotidien » du 27 novembre 2008), selon lequel un dépistage volontaire élargi à tous les adultes de plus de 15 ans associé à un traitement de tous les séropositifs, indépendamment de toute considération clinique ou biologique, conduirait à l’éradication de l’épidémie en 2050. « Le modèle n’est certes que théorique, mais il permet de réfléchir sur de nouvelles stratégies de santé publique », relève le Pr Rozenbaum. De même, le modèle élaboré par le Centre for Excellence in HIV AIDS de Colombie britannique (Canada), a montré que seule l’augmentation du nombre de personnes traitées de 50 % à 75 % des personnes infectées permettait de faire baisser le nombre de nouvelles infections. « Les autorités de Colombie britannique ont d’ores et déjà changé de stratégie en s’engageant dans la voie d’une politique de prévention en population fondée en partie sur l’efficacité du traitement, souligne le Dr François Bourdillon. En France, le nombre de personnes traitées rapporté au nombre de personnes infectées n’est que de 46 %. On est encore loin du compte. » La balle est dans le camp des pouvoirs politiques. « Augmenter l’offre de dépistage, le banaliser, le systématiser tout en veillant à maintenir son caractère volontaire, utiliser les tests rapides en s’appuyant sur les associations comme relais dans les milieux communautaires qui n’ont pas toujours accès au dépistage, aidera à mieux identifier les personnes infectées à les traiter », insiste le président de la Société française de santé publique.
Mythe du risque zéro.
Une question pourtant. Cette vision collective de santé publique peut-elle être étendue à la prévention individuelle ? Le CNS répond par l’affirmative en mettant en garde contre « le mythe du risque zéro ». Pour un patient donné, « quel que soit le risque estimé en population, il ne sera pas infecté par un millième ou un cent-millième de virus, il sera infecté ou il ne le sera pas », estime le Pr Rozenbaum. Reste que, comme pour le préservatif, dont l’efficacité dans la vie réelle est estimée à 90-95 %, le traitement peut être un outil de prévention. « Il faut offrir des alternatives aux individus et bien les informer, de manière à ce qu’ils puissent choisir en toute connaissance de cause, en fonction de la situation où ils sont, explique-t-il. Et il ne s’agit en aucune manière d’opposer le traitement et les autres outils de prévention mais de les rendre complémentaires et utilisables y compris au niveau individuel. »
Nouvelle responsabilité.
Pour Philippe Gaudin, philosophe et spécialiste des religions, il s’agit de proposer un nouveau paradigme mais qui n’annule pas l’ancien, fondé sur la double responsabilité. La nouvelle approche implique une nouvelle responsabilité, celle de se soigner et de bien observer son traitement. « C’est un pari positif sur l’avenir. C’est un pari sur la recherche pour rendre les traitements plus efficaces et mieux tolérés. C’est un pari sur les effets bénéfiques du partage des connaissances et de l’information, c’est un pari sur l’effet positif, sur le plan psychologique, des personnes traitées, c’est un pari sur l’effet de renforcement de l’adhésion au traitement », dit-il. Plus fondamentalement, selon lui, cette nouvelle approche peut contribuer de manière décisive à « banaliser cette maladie » et à ce qu’elle soit considérée « comme une maladie comme une autre ». Il est essentiel de faire passer le message qu’une personne séropositive traitée transmet peu la maladie. Un message salué par les associations, même si Act-Up émet des réserves quant au risque de relâchement des comportements.
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