Pour la première fois, des chercheurs apportent la preuve qu'un traitement ciblant spécifiquement les mastocytes peut améliorer l'asthme.
L'équipe dirigée par Katherine Cahill et Elliot Israel de la faculté de médecine de Harvard montre dans « The New England Journal of Medicine » que l'imatinib diminue l'hyperréactivité bronchique, ainsi que le taux de mastocytes et l'un de ses marqueurs d'activation, la tryptase, chez une soixantaine de patients ayant un asthme sévère.
La piste des mastocytes est intéressante car certains patients ayant un asthme sévère ne sont pas contrôlés, malgré des doses élevées de corticoïdes, inhalés ou systémiques. Comme la présence des mastocytes est corrélée à l'hyperréactivité bronchique, il était suspecté par le passé que ces cellules jouent un rôle dans l'asthme sévère, sans que cela n'ait jamais été démontré.
L'imatinib inhibe un récepteur clef
Les chercheurs ont porté leur choix sur l'imatinib, car cet inhibiteur des tyrosines kinases de type bcr-abl, est aussi un inhibiteur du récepteur KIT, un récepteur tyrosine kinase qui joue un rôle clef dans l'homéostasie des mastocytes. Ce récepteur KIT est décrit comme étant « essentiel au développement normal des mastocytes et à leur survie dans les tissus », écrivent les auteurs.
Dans cette étude randomisée versus placebo, les patients inclus présentaient un asthme sévère réfractaire à des doses élevées de béclométhasone inhalé, avec une hyperréactivité bronchique au test de provocation à la métacholine.
Après 6 mois de traitement, les patients du groupe imatinib présentaient un taux sérique de tryptase plus bas ainsi qu'une diminution du taux de mastocytes. Le taux de tryptase dans le liquide broncho-alvéolaire avait tendance à baisser, alors qu'il restait stable dans le groupe placebo. « Dans le même temps, l'imatinib a diminué l'hyperréactivité des voies aériennes et a entraîné une augmentation du volume expiratoire forcé en 1 seconde, petite mais significative », soulignent les chercheurs.
Des limites mais des perspectives
Les auteurs s'entourent de précautions pour présenter leurs résultats. Il est possible, écrivent-ils, que l'effet positif constaté ne soit pas dû à l'inhibition des mastocytes. Le récepteur KIT est exprimé par d'autres cellules de l'immunité innée, qui peuvent entraîner, via la production de cytokines, une inflammation neutrophile et éosinophile. « Il est aussi possible que les effets sur l'hyperréactivité des voies aériennes ne se traduisent pas par un bénéfice clinique dans des études plus grandes », reconnaissent-ils.
De plus, l'imatinib, qui s'est accompagné d'effets secondaires (crampes, hypophosphatémie) disparaissant à l'arrêt du traitement, n'est peut-être pas le meilleur candidat. « Ces données ne sont pas directement applicables en clinique mais préparent le terrain à des études de suivi ciblant les mastocytes chez les patients ayant un asthme sévère », proposent les auteurs.
Dans un éditorial, Stephen Galli, immunologiste à la faculté de médecine de Stanford, abonde en ce sens et met l'accent sur la sélection déterminante des patients : « Chez ces sujets malchanceux pour lesquels les fonctions des mastocytes peuvent fortement contribuer à la maladie, le fait de supprimer leur fonction ou de réduire leur nombre pourrait apporter plus de bénéfices que de risques, en particulier si ces cellules peuvent être ciblées localement sur le site de la maladie ». Il conclut en écrivant : « Cela va sans dire que si des agents étaient développés, qui puissent cibler plus spécifiquement les mastocytes que ne le font des molécules comme l'imatinib, et qui puissent le faire de façon mieux tolérée, alors tester de tels agents en clinique serait d'un grand intérêt ».
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