« C’est un grand plaisir de la côtoyer, mais cela devient très difficile si l’on n’est pas d’accord avec elle : les débats que nous avons menés font partie de mes souvenirs les plus durs et les plus scientifiquement passionnants de ma carrière ». Au moment où il prononce ces mots, le Pr Yves Lévy (président de l’INSERM et d’AVIESAN) est au bord des larmes, ému par le souvenir des combats menés en compagnie du Pr Françoise Barré-Sinoussi, spécialiste iconique du VIH, sur le point de prendre sa retraite de l’Institut Pasteur.
Il n’est pas le seul : un grand nombre de personnalités se sont rassemblées mardi 13 octobre pour saluer la carrière de celle qui reçut, en 2008, le prix Nobel de Médecine en compagnie des Pr Luc Montagner et Harald Zur Hausen de l’Université d’Erlangen-Nuremberg pour la découverte du VIH (le Pr Zu Hausen était récompensé pour ses travaux sur le papillomavirus).
La tribune a ainsi vu défiler un véritable who’s who de la lutte contre le sida : le Pr Jean-François Delfraissy (directeur de l’ANSR), le Pr Christian Bréchot (directeur de l’Institut Pasteur) mais aussi le ministre cambodgien de la Santé Mean Chhi Vun, l’ex président de l’association AIDES Bruno Spire et le président du Sidaction Pierre Bergé.
Plusieurs chercheurs ayant travaillé avec le Pr Barré-Sinoussi sont également venus faire part de l’avancée de leurs travaux. Pierre Delobel, de l’université de Toulouse, a ainsi présenté des résultats récents sur le déficit en lymphocytes CD4+ de l’épithélium intestinal des malades sous traitement antirétroviral. L’amélioration du diagnostic de la tuberculose chez les enfants infectés par le VIH a, quant à elle, fait l’objet d’une communication par le Dr Mathurin Tejiokem.
Une militante engagée
Outre ses travaux de recherche, les orateurs ont insisté sur le militantisme et l’engagement du Pr Barré Sinoussi. « Quand j’étais étudiant, j’ai été impressionné par sa ténacité, son courage et son dévouement dans un contexte d’urgence et de pression incroyable », se souvient le Pr Bréchot. « Avant même de recevoir un prix Nobel elle n’hésitait pas à transformer ses recherches en acte militant, poursuit le Pr Lévy pour qui elle n’a jamais dissocié son rôle de chercheur de son rôle politique. »
La carrière du Pr Barré Sinoussi a véritablement commencé en 1971, à l’Institut Pasteur, quand elle étudiait les relations entre les rétrovirus et le cancer chez la souris. Après un an passé aux États-Unis, elle revient en France étudier le contrôle naturel des rétrovirus et sera le premier auteur, en 1983, d’un article paru dans « Science » qui ferra sa renommée mondiale : la première identification d’un microbe qui allait faire beaucoup parlé de lui : le virus de l’immunodéficience humaine.
En 1985, elle se rend en Afrique pour la première fois, à l’occasion d’un atelier mené à Bangui (République Centrafricaine). Ce voyage lui « ouvrira les yeux » et la poussera à se battre pendant toute sa carrière en faveur de l’accès des pays pauvres aux traitements et des accords de coopération nord sud.
Cet engagement puissant, relayé par un caractère fort, a permis l’envol de la recherche translationelle dans le VIH. Le Pr Delfraissy se souvient ainsi d’une après-midi passée en sa compagnie : « je buvais du scotch, tu fumais des cigarettes, et nous avions discuté de science translationelle. Aujourd’hui je bois moins et tu fumes des cigarettes électroniques presque plus, mais de ces réflexions sont nées la première cohorte de patient de l’ANRS et la cohorte Visconti » de patients contrôleurs de leur infection. Le Pr Barré Sinoussi fut également très impliquée dans la création de l’ANRS en compagnie du Pr Jean-Paul Lévy.
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