L'industrie du sucre a-t-elle cherché à influer sur les résultats d'une revue de la littérature publiée dans le « New England Journal of Medecine » en 1967 ? C'est en tout cas ce que suppose un article, paru ce lundi 12 septembre 2016 dans le « JAMA », et mené par des chercheurs de San Francisco.
Influence et conflits d'intérêts
Les scientifiques se sont intéressés à cette publication de la fin des années 1960 qui minimisait les liens entre maladies cardiovasculaires et sucres ajoutés et insistait sur l'impact des graisses et du cholestérol dans le déclenchement de ces pathologies. Car, à l'époque, alors que le nombre de maladies cardiovasculaires était en forte augmentation aux États-Unis, la controverse sur l'impact relatif des sucres ajoutés versus celui des graisses alimentaires sur la survenue de ces pathologies faisait rage.
L'équipe de Stanton A. Glantz s'est intéressée à des documents internes provenant de la Sugar Association, un industriel du sucre aux États-Unis (correspondances avec des scientifiques ayant des liens avec l'entreprise, rapports annuels, comptes rendus de congrès, revues de littérature internes) ainsi qu'aux déclarations et rapports scientifiques ayant trait aux débats sur les facteurs de causalité des maladies cardiovasculaires au cours des années cinquante et soixante. La Sugar Association avait la particularité de nier farouchement l'existence d'un lien entre saccharose et maladies cardiovasculaires.
Les chercheurs se sont ainsi aperçus que les conclusions de la publication de 1967 avaient probablement été influencées par l'industriel, qui en était le commanditaire sans que son nom n'apparaisse nulle part. Ils démontrent également que la Sugar Association avait continué de financer des recherches sur différentes pathologies, dont les maladies cardiovasculaires, après 1967, avec toujours comme objectif de minimiser l'impact des sucres ajoutés sur la santé. Selon les auteurs, cette influence a touché jusqu'à la Food and Drug Administration (FDA) qui a estimé, en 1976, que le sucre était sans danger pour la santé.
La prudence reste de mise
Marion Nestle, chercheur à l'Université de New York, souligne : « Cet incident qui date d'une cinquantaine d'années peut sembler appartenir au passé, mais il est tout à fait significatif, notamment parce qu'il répond à des questions pertinentes de notre époque. »
Selon les auteurs de l'étude, il est capital que les comités d'élaboration des politiques publiques accordent moins d'importance aux publications financées par les industriels. Ils préconisent une meilleure prise en compte des études mécanistiques et sur l'animal ainsi que de celles évaluant l'effet des sucres ajoutés sur la survenue des maladies cardiovasculaires.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation