« Cinq jours après le drame qui a frappé la France, la communauté scientifique se voit renvoyée à l'essentiel : comprendre dans le détail et avec toute la profondeur nécessaire les phénomènes qui sont à l'œuvre aujourd'hui », avait déclaré Alain Fuchs, le président du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) le 18 novembre 2015. En réponse à son appel, 320 projets ont été proposés au CNRS dont 254 de pure recherche académique ; 37 % l'ont été par de jeunes chercheurs. In fine, le CNRS a choisi d'en soutenir 66 grâce à une enveloppe de 800 000 euros – une vingtaine d'actions recevant entre 10 000 et 20 000 euros.
« Pas 1 mais 100 Bataclan »
Le CNRS a organisé ce 28 novembre 2016 une restitution de ces travaux, qui font dialoguer sciences et instances. Au cœur, bien sûr, figure le programme « 13 novembre », coordonné par l'historien Denis Peschanski et le neuropsychologue Francis Eustache (CNRS, Hésam, INSERM, EPHE, Université de Caen) qui vise à étudier comment se construisent les mémoires individuelles et collectives, à travers une cohorte de 1 000 personnes suivies pendant 10 ans. « Nous avons déjà réalisé, au 10 novembre 2016, 915 entretiens audiviosuels », a rapporté Denis Peschanski, notant que 356 volontaires appartenaient au 1er des 4 cercles (les personnes directement exposées aux attentats ou intervenues sur les sites vs les habitants et usagers des quartiers concernés – cercle 2, soit 137 personnes, les quartiers périphériques de Paris – cercle 3, 148 individus, et enfin, la province, 264 volontaires). « Les entretiens sont d'une richesse inouïe. Il n'y a pas eu 1 mais 100 Bataclan », observe l'historien.
Liens entre mémoire et état de stress post-traumatique
L'étude biomédicale « Remember », qui cherche à comprendre les liens entre mémoire et état de stress post-traumatique, via des évaluations psychopathologiques, neuropsychologiques, et l'imagerie cérébrale, auprès de 120 exposés et 60 Caennais, est aussi sur de bons rails, a-t-il résumé, précisant que ces recherches pourraient contribuer à amender la définition du PTSD.
Également sur le 13 novembre, l'équipe de Guillaume Dezecache, de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, explore (via des entretiens semi-directifs auprès de 40 victimes) les réactions individuelles et collectives au cours du drame du Bataclan, pour en dresser une typologie (comment les individus se protègent-ils contre la menace ? en développant des stratégies individualistes ? en ayant recours à l'autre ? en lui apportant un support émotionnel, comme lui tenir la main ? de l'information ? etc.).
Une équipe (Stéphanie Khalfa et Dr Pierre-François Rousseau) de l'Institut de neurosciences de la Timone étudie en quoi la durée du sommeil paradoxal (avant traitement) pourrait être un facteur prédictif de l'évolution du traitement du PTSD par l'EMDR, ce qui permettrait de prévoir la réactivité du patient aux soins, et, après traitement, de confirmer sa capacité à intégrer de nouvelles données négatives.
Radicalisation, attaques biologiques et chimiques
D'autres travaux en sciences sociales ou économiques devraient aussi enrichir les connaissances autour du 13 novembre ; comme ceux de Hélène Frouard, du centre de recherches historiques qui a examiné les registres de condoléances du 11e arrondissement de Paris (1 300 messages déposés dont 600 les 4 premiers jours). Elle en retire une cartographique inédite d'un quartier blessé, en même temps qu'un visage pluriel et peu attendu de la « génération Bataclan ». Ou encore la recherche de Yannick L'Horty (UPEC, UPEM) sur l'impact des attentats sur la défiance à l'encontre des arabo-musulmans – qui conclut de manière négative, tout en mettant en lumière de fortes discriminations dans l'accès au logement.
Les autres projets soutenus par le CNRS portent sur les enjeux géopolitiques, l'action publique et la science face au terrorisme, la radicalisation ou encore les attaques biologiques et chimiques. Dans ce dernier volet, on peut citer les travaux de Virginie Laurent-Gydé, de l'Institut des neurosciences cellulaires et intégratives (CNRS et université de Strasbourg), sur les effets de la lumière bleue sur la rétine et le cerveau (elle pourrait contribuer à augmenter l'agressivité, ce qui pourrait être un facteur environnemental de l'endoctrinement, dès lors qu'on sait qu'il se joue beaucoup sur les réseaux sociaux) ; ou encore ceux de Martine Caroff, de l'Institut de biologie intégrative de la cellule, sur la production de marqueurs bactériens pour combattre le bio-terrorisme.
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