Les coups du hasard font parfois très bien les choses. C'est le cas pour un patient en rémission depuis 2013 d'une leucémie lymphoïde chronique (LLC) après avoir été traité par une immunothérapie CAR-T, comme le montrent dans « Nature » des chercheurs de Pennsylvanie.
Après des années d'étude et le concours de multiples collaborations interdisciplinaires, l'équipe de Joseph Fraietta et Joseph Melenhorst explique que la rémission prolongée du patient repose sur une seule cellule CAR-T et ses cellules filles.
Cet incroyable pouvoir de multiplication, persistant encore à 5 ans, repose sur une modification inattendue de l'expression du gène TET2, qui a transformé le phénotype effecteur des cellules CAR-T en un phénotype à mémoire centrale. Les lymphocytes T mémoire sont capables de réagir rapidement, efficacement et vigoureusement lors de la rencontre avec un antigène donné.
L'immunothérapie CAR-T a prouvé son efficacité dans des hémopathies à cellules B. Deux thérapies géniques ont reçu l'AMM aux États-Unis. Le Kymriah (ou CTL019) commercialisé par les laboratoires Novartis est autorisé dans deux indications : la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL), depuis août 2017, et le lymphome diffus à grandes cellules B, depuis mai 2018. La 2e thérapie CAR-T, le Yescarta des laboratoires Gilead, a reçu l'AMM en octobre 2017 dans les lymphomes non hodgkiniens agressifs.
Une insertion inattendue du vecteur
La thérapie CAR-T consiste à prélever des cellules T du patient à traiter et à les modifier génétiquement afin de les diriger spécifiquement contre un antigène tumoral. Toute la manœuvre repose sur l'idée de la faire exprimer un récepteur artificiel, dit chimérique (CAR pour chimeric antigen receptor), qui reconnaît l'antigène tumoral. Pour ce faire, le gène du récepteur chimérique est introduit dans la cellule T à l'aide d'un vecteur viral, qui va s'insérer de manière aléatoire dans le génome cellulaire. La réponse remarquable du patient tient à un hasard heureux survenu lors de cette étape d'insertion mais il a fallu des années aux chercheurs pour le comprendre.
Les cellules CAR-T dirigées contre l'antigène CD19 sont habituellement administrées en 3 injections à doses croissantes afin de minimiser le syndrome de relargage des cytokines (SRC), ce syndrome toxique pseudo-grippal pouvant nécessiter une hospitalisation en réanimation.
La piste de TET2 pour maximiser la réponse CAR-T
Les chercheurs ont eu la grande surprise de constater qu'au pic de la réponse, 94 % des cellules CAR-T provenaient… d'un seul clone. Ces cellules CAR-T présentaient toutes la particularité suivante : l'insertion du vecteur dans le génome perturbait l'expression du gène TET2, ce gène impliqué dans la différenciation des cellules T.
Cette mutation dite hypomorphe du gène TET2 sur l'un des allèles a modifié le profil épigénétique des CAR-T, qui, « au pic de l'expansion, affichaient un phénotype à mémoire centrale », écrivent les auteurs. Ce gène modifié TET2 est à l'origine de l'expansion massive d'une seule cellule CAR-T et de son efficacité à effacer la leucémie.
Pour Joseph Fraietta, premier auteur : « C'est un résultat vraiment remarquable qui nous dit sur le plan fondamental que la dose minimale pour que les cellules CAR-T fassent leur travail est une. » La modification de TET2 pourrait être une piste pour améliorer la réponse à une thérapie CAR-T, voire transformer les non-répondeurs en répondeurs.
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