Suppression de la visite médicale d'embauche (sauf pour les emplois à risques) au profit d'une consultation d'information et de prévention, espacement des visites obligatoires (jusqu'à cinq ans pour les salariés sans risque contre deux ans aujourd'hui) : le projet de décret réformant la médecine du travail – qui entrera en application dès janvier 2017 – bouscule et inquiète le secteur.
Les syndicats ont examiné ce texte jeudi dernier en Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT), une instance consultative sous l'égide du ministère du Travail (les partenaires sociaux émettront un avis mercredi 7 décembre). La CGT, FO et la CFE-CGC ont déjà exprimé leur vive opposition à ce décret qui, selon eux, prépare « la destruction de la médecine du travail », affaiblie par une démographie en berne (les effectifs de médecins du travail devraient chuter de 5160 aujourd'hui à environ 4 000 praticiens dans dix ans).
Repérer, dépister
La principale critique porte sur le risque d'éloignement des salariés de l'accès à la protection du code du travail. « Le médecin du travail va passer de "veilleur" à "pompier", nous aurons du mal à repérer les nouvelles pathologies comme le stress ou le burn-out », résume le Dr Bernard Salengro, de la CFE-CGC. Pour les travailleurs de nuit, les mineurs et les personnes handicapées, le décret prévoit que la visite médicale interviendra au plus tard tous les trois ans après la visite d'information et de prévention (contre deux ans jusqu'à présent).
Même pour les postes à risques particuliers, qui exposent par exemple les travailleurs à l'amiante ou à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques, la procédure est allégée. Après l'examen d'embauche, une visite intermédiaire devra être effectuée par un médecin ou un infirmier dans les deux ans suivants, puis tous les quatre ans au maximum…
Voies de contournement
« Ce décret consacre l'effondrement du suivi médical individuel, notamment parce que le diagnostic pourra être réalisé par d'autres professionnels de santé, comme les infirmières alors qu'il devrait être médical », condamne Alain Grossetete (CGT). Il dénonce également la disposition selon laquelle un salarié sur un poste à risque ou un employeur qui veut contester une aptitude devra aller devant les prud'hommes, et non plus devant l'inspection du travail.
Certains espèrent que la réforme autorisera des marges de manœuvre et de la souplesse. « Les salariés, qui seront moins bien suivis, demanderont eux-mêmes à voir le médecin du travail, nous arriverons toujours à exercer notre métier. Des voies de contournement sont possibles », veut croire Alain Grossetete. « Pour les salariés non exposés à des risques particuliers, le médecin pourra bien sûr demander à voir plus fréquemment un travailleur, c'est écrit dans le projet de décret, mais l'employeur peut aussi dire non, met en garde le Dr Bernard Salengro (CFE-CGC). Le problème de fond est là : nous sommes hébergés et rémunérés par les employeurs ! »
Sans compter qu'« un salarié qui demande à voir régulièrement le médecin du travail peut aussi attirer l'attention de l'employeur… », souligne Jacques Delon, représentant de la médecine du travail à Force Ouvrière.
Cibler le suivi
Le patronat n'est pas opposé à la philosophie de cette réforme, même si les employeurs n'auront plus la « fiche d'aptitude » (hors métiers à risques), qui sert de référence en cas de contentieux. La CFDT se déclare elle aussi favorable, qualifiant cette réforme de « vraie évolution », notamment pour le suivi individuel des personnes à risques dont le ciblage est jugé légitime.
Le ministère du Travail se déclare « ouvert à des aménagements », tout en défendant le texte « qui permet à une profession en forte pénurie de mieux cibler les visites ».
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